« Où l’apprenti lecteur se révèle sous son véritable visage d’être social »

« Faites-nous confiance », « apprendre à lire, c’est notre métier », « ne contrariez pas ma méthode », « n’intervenez pas, sinon pour inciter au travail et stimuler l’attention »...

Tel est le discours le plus courant des pédagogues qui, comme tous spécialistes, entendent affirmer leur autorité sur leur territoire. Hélas ! Cette autorité s’accommode d’un taux d’échecs aussi considérable que socialement sélectif. Les limites et l’artificialité de ce territoire dénaturent un apprentissage dont les caractéristiques sont pourtant profondément sociales.

C’est pourquoi, à l’opposé de ce discours, nous voulons dire aux parents touchés par cet échec, et à tous ceux qui y sont sensibles : « Vous êtes entièrement concernés par cet apprentissage. Sans votre intervention, les objectifs de l’école resteront ce qu’ils sont ; l’échec des milieux populaires ne fera que croître, en dépit des bonnes volontés. Sans votre aide, vos enfants ne pourront tirer le meilleur profit de leur scolarité : à elle seule, l’école ne peut faire face à une tâche qui lui est fixée sans considération des réalités sociales. Seule, elle est contrainte à pratiquer la ségrégation sociale et la sélection précoce que vous subissez et que vous condamnez. »

Mais nous sommes conscients du paradoxe : les parents auxquels est lancé cet appel n’en seront que rarement les lecteurs... C’est pourquoi nous l’adressons aussi, et d’une manière pressante, à tous ceux qui en sont les intermédiaires naturels : associations populaires, syndicats familiaux et ouvriers, commissions « éducation » des organisations politiques, élus municipaux spécialisés... L’incohérence du système éducatif, l’impérialisme de l’école et la décharge de responsabilité des familles sur l’institution scolaire qui en résulte sont perçus de plus en plus clairement comme les fruits d’une spécialisation aberrante. Il se trouve que dans ces milieux un mouvement se dessine pour affirmer : « L’école, c’est aussi notre affaire ! » Nos propositions veulent alimenter ce mouvement et cette analyse. Elles correspondent, par ailleurs, aux préoccupations affirmées par les nouveaux pouvoirs publics, et nous souhaitons qu’elles soient entendues par ceux-ci... Faut-il préciser que ces propositions ne se font pas contre les enseignants, mais au contraire en faveur d’une redéfinition de leur tâche et d’une redistribution des responsabilités. Elles sont les conditions nécessaires pour que se libère leur énergie créatrice actuellement inhibée par un continuel et injuste sentiment de culpabilité.

La réflexion sur le problème éducatif a pu parfois devancer les grandes mutations qui se dessinent dans notre société. Dans une situation marginale et dans l’hostilité, des expériences ont été et sont actuellement tentées. Malgré ces conditions défavorables, elles nous apportent des enseignements qui peuvent nous faire gagner du temps, et particulièrement éviter les impasses. Mais ce qui apparaît nouveau, aujourd’hui, c’est que cette réflexion peut réellement converger avec la réalité socio-économique et avec l’évolution de l’opinion qui en résulte. Ainsi, il devrait être beaucoup plus facile de promouvoir : ► une autre conception de l’utilisation du temps de l’enfant, au moment où la préoccupation « temps libre » justifie l’existence d’un ministère... ► une autre conception de l’institution scolaire, au moment où le problème de « l’éducation permanente » se pose avec intensité, ► une autre conception du statut de l’enfant, au moment où l’évolution des mœurs touche toutes les catégories d’adultes.

L’enfance, dit-on, c’est le temps pour apprendre, c’est le temps pour se préparer à la vraie vie, c’est-à-dire à la production et à la reproduction. Pour atteindre cet objectif reçu comme une évidence, on s’attache principalement à conditionner l’enfant en ce sens, à le conformer aux valeurs dominantes afin qu’il soit le moins possible conduit à les mettre en question. L’irruption de l’ordinateur et des robots dans le monde du travail va faciliter la contestation de ce lieu commun et, plus généralement, du découpage habituel du temps de vie en temps de travail et temps de loisirs, temps pour apprendre, temps pour agir, temps pour mourir.

Déjà l’augmentation de l’espérance de vie entraîne un décalage important entre l’âge de la retraite et celui de la mort. Après « la vie active », les retraités supportent mal d’entrer pour quinze, vingt ou vingt-cinq ans dans une vie inactive. Les universités du 3ème âge se développent. Le producteur, le travailleur, tout au long de sa « vie active », va changer plusieurs fois de fonction, de qualification, de métier. De ce fait, la formation continue, après une période d’incohérence, devrait connaître un développement considérable. Son détournement par les employeurs au service d’une meilleure adaptation aux postes de travail devrait cesser au profit d’une élévation du niveau de culture et des capacités de communication et de création. Élévation indispensable car la société va devoir compter sur un investissement massif du temps libéré au profit d’activités sociales ou culturelles. L’augmentation constante des connaissances qui caractérisait déjà le temps de travail, mais qui s’opérait de manière aléatoire, inégale et lente, doit se trouver organisée et répartie plus justement, amplifiée par la considération d’une véritable « éducation permanente ». Dans cette situation sociale radicalement nouvelle, peut-on considérer de la même manière les apprentissages qui doivent s’opérer au cours de l’enfance ? [1]

N’est-ce pas une première raison pour contester le fonctionnement d’une école qui continue à ignorer le présent de l’enfant, qui prétend préparer son futur et ne fait que le conformer à des normes passées et à des valeurs dépassées ? La seconde raison est de nature pédagogique. Sur ce plan, la tendance générale de l’opinion est notablement conservatrice. Instinctivement, on se réfère à ses propres souvenirs, même mauvais, et on pense qu’il suffirait de gommer tel ou tel défaut pour que l’école joue son rôle de manière satisfaisante. La plus grande sensibilité qu’ont aujourd’hui les familles à la personnalité de l’enfant devrait aboutir à des critiques plus radicales. Encore, le fondement de celles-ci est-il souvent plus généreux qu’argumenté. Il nous semble donc utile d’aborder ce plan pédagogique par référence à un problème plus neutre et plus proche de nous. L’analyse des pratiques de la Formation Continue des Adultes conduit à une conclusion évidente : II faut partir de l’expérience vécue de l’adulte pour qu’il se sente réellement concerné et qu’il s’engage activement dans le processus de sa formation. Il faut enrichir cette expérience en lui proposant de vivre des situations nouvelles qui vont engendrer réflexion et besoin d’information. C’est à ces conditions qu’il est possible de s’accorder avec lui sur les connaissances qu’il convient de fixer. Les techniques d’enseignement appropriées pourront être alors utilisées d’une manière efficace, et les connaissances acquises durablement. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’enfant ?

► Parce qu’il n’aurait pas d’expérience de vie ? C’est faux d’évidence. ► Parce qu’il convient, sous le prétexte qu’il est dans l’époque privilégiée des apprentissages, de créer des situations artificielles ou de modifier les situations réelles pour les rendre plus pédagogiques et augmenter leur rendement ? C’est totalement illusoire. Qu’on calcule, par exemple, le temps passé à faire de la grammaire pendant cinq ans et qu’on mesure ce qu’il en reste à l’entrée en 6ème..., qu’on interroge l’adulte sur ce qu’il a retenu des matières longuement bachotées pour tel ou tel examen... [2] Il faudra bien admettre, un jour, que moins une situation est artificiellement organisée à des fins pédagogiques, plus les apprentissages qui s’opèrent sont profitables et solides. Comment expliquer qu’une orthographe rebelle aux dictées, aux rédactions s’améliore considérablement quand l’adolescent, ayant quitté l’école, écrit pour exprimer ses sentiments, pour demander un emploi ou pour réclamer la libération d’un prisonnier d’opinion ?

Il ne s’agit pas ici de justifier les théories spontanéistes qui avaient l’intention de permettre « l’épanouissement » de l’enfant... et qui ont surtout contribué à renforcer le conservatisme éducatif dans l’opinion. Certes, livré à lui-même, l’enfant procède à des expériences, mais dans un champ physique et social le plus souvent extrêmement pauvre, sans véritable projet, sans qu’une réflexion et des échanges soient organisés autour de ces expériences, sans que l’adulte soit en mesure de clairement percevoir le besoin d’aide et d’y répondre avec la rigueur nécessaire. Dans ces conditions, ni le développement optimum ni la sécurité affective ne sont assurés.
Ni « l’épanouissement espéré »...

Qu’entendons-nous alors, en parlant de l’enfant, par « expérience » et par « situation de vie » ? L’enfant arrive à l’école avec une expérience que l’école ignore, et notamment dans le domaine qui nous intéresse : la lecture. En toute bonne conscience, l’école estime qu’elle a pour tâche incontestable de permettre à tous l’accès à la culture, aux grandes œuvres, et que, pour cela, la lecture constitue un instrument privilégié qu’il convient au plus tôt d’utiliser en ce sens. C’est alors que le phénomène universel qu’est la domination culturelle des classes dirigeantes opère insidieusement : les couches dominées ne peuvent qu’approuver cet objectif qui permet si bien aux autres de réussir. D’instrument privilégié, la lecture devient, avec l’accord de tous, l’instrument des privilégiés. Pour édifier le lecteur, voici un exemple de ce que doivent lire des enfants de sept ans (classe de CE1). Ces extraits sont tirés d’un manuel de lecture, parmi d’autres, publié en... 1979 par un grand éditeur. L’avant-propos indique : il s’agit de « donner le goût de la lecture » avec ce livre « que les enfants auront envie de feuilleter et de lire au gré de leurs désirs et de leurs goûts »...

Page 6 « ... colombes... qui mirent gentiment leur soyeux plumage au col blanc qui bombe ».
Page 15 « ... tant bien que mal, ils franchissent l’éboulis rocheux et s’écroulent, épuisés, le nez contre le sol plat et moussu du sommet ».
Page 20 « ... la chênaie triste et sombre, et tout ce maquis, ces châtaigneraies qui montent à l’assaut des pentes et des coteaux ».
Page 24 « Des ruisseaux limpides murmurent entre les buissons, parfois l’eau se fracasse sur de grands rochers avec des gerbes toutes blanches d’écume ».
Page 37 « Elles se balançaient, ironiques, tendres, d’une beauté toujours différente »
Page 57 « Tout cela, fait de verre filé, jaillissait d’un vase d’opaline rosé dont la délicatesse égalait celle de la fleur ».
Page 64 « ... et regardait, soupçonneuse et inquiète, celui de sa voisine, comptant bien qu’il ne cacherait pas quelque mousse de foie abondante qui viendrait ruiner le succès de sa galantine ». Etc.

Devant ces écrits, la majorité des enfants se trouvent en terre étrangère. Modeste exemple des processus de sélection opérés dès le début de la scolarité !

Pourquoi l’école a-t-elle tant de mal à procéder à cette analyse et à sortir de sa bonne conscience ? Est-il si difficile de remettre en cause les valeurs auxquelles on est attaché, soit par origine sociale, soit parce que leur adoption a permis une promotion sociale ?

Il n’est pas question ni de nier l’intérêt de certaines valeurs culturelles diffusées par l’école, ni d’oublier qu’il existe des pédagogues qui transforment cette logique séculaire [3]. Néanmoins, nous pensons que l’évolution indispensable se fera d’autant plus vite que les parents concernés et les militants qui expriment leurs préoccupations interpelleront l’école pour qu’elle prenne en compte l’expérience de vie des enfants et l’écrit social. Et le recours exclusif à l’écrit littéraire apparaît alors doublement condamnable.

Dans ces conditions, pour peu qu’on les informe, les parents des milieux populaires ne se déchargeront plus de leur responsabilité sur l’école. Ils pourront, eux aussi, aider leurs enfants à utiliser l’écrit qui leur est familier. Ce qu’ils ont su faire pour aider à l’apprentissage de la langue orale, en partant de leur propre langage, ils pourront le faire pour la langue écrite, en partant de l’écrit qu’ils utilisent. Sans pour autant se transformer en enseignants... Il fera précisément partie du rôle des enseignants d’aider les familles à adopter résolument cette attitude. L’écrit social, par opposition à l’écrit pédagogique ou scolaire, existe abondamment : on en a fait l’inventaire tout au cours de ce livre. Mais il peut être justifié de se demander si l’écrit est présent en quantité suffisante dans chaque famille pour que l’enfant s’engage dans une démarche d’apprentissage. Ici encore, l’école peut et doit jouer un rôle important. Il s’agit, pour elle, de prolonger, d’amplifier, d’enrichir l’utilisation de l’écrit nécessairement présent dans toutes les familles et dans l’environnement. Pour atteindre ce but sans artificialité, l’école doit permettre à l’enfant d’établir un maximum d’interactions avec son environnement (famille ; quartier et ses institutions, ses industries, son agriculture, son écosystème). Elle doit éviter de simplifier et de dénaturer la réalité rencontrée, de masquer les conflits et l’existence multiforme de la violence. Enfin, elle doit tabler sur la responsabilisation des enfants comme élément essentiel de leur engagement dans le processus éducatif. À ces conditions, l’utilisation de cet écrit sera permanente. Tout cela n’est ni difficile ni impossible : certaines écoles se sont déjà engagées profondément dans cette voie. Il reste beaucoup à imaginer, mais nous pouvons décrire ce qu’elles font et qui peut s’entreprendre partout sans attendre, pourvu qu’on le désire. Ces écoles sont considérées comme des lieux où l’enfant vit réellement au présent. L’enfant s’approprie, gère, transforme tout ce qui s’y fait. Il est actif dans l’organisation de l’emploi du temps, la constitution des groupes, le règlement des conflits, le fonctionnement général de l’école. L’élaboration et la réalisation de projets [4] très liés à ses préoccupations et ses besoins, deviennent le lieu essentiel de ses apprentissages. L’évaluation de ses actions est, à la fois, l’occasion d’une prise de conscience et le moyen de faire comprendre, partager et apprécier les objectifs nouveaux de l’école. Les projets conduisent à établir une ouverture sur le milieu environnant. Ils font apparaître l’immense potentiel éducatif de celui-ci.

Les services techniques de la ville, tel artisan, telle entreprise, tel commerçant, les transports publics, les pompiers, les architectes et les urbanistes municipaux, les bibliothèques, les musées, etc. forment autant d’« espaces éducatifs » qui acceptent volontiers les enfants comme interlocuteurs, lorsqu’ils présentent ou défendent un projet. Tous ces « espaces éducatifs » produisent de l’information (ils en sont parfois demandeurs), de l’écrit qu’il va falloir consulter, trier, interroger, analyser, imiter, contester peut-être.

Le rôle éducatif du corps social est encore implicite, c’est « l’école parallèle », la télé, la rue, la famille, en un mot, la vie... Il faut qu’il devienne explicite, conscient, cohérent, et l’école doit agir pour que les « coéducateurs » de fait considèrent l’enfant comme un interlocuteur, non pas occasionnel mais permanent. On peut très bien imaginer qu’un effort de présentation, de typographie, de rédaction soit fait chaque fois que l’enfant est concerné par un écrit. La publicité en est capable pour développer le consommateur chez l’enfant. Il devrait être possible de faire au moins autant pour que l’enfant, par l’intermédiaire d’une information accessible, adopte à son échelle des attitudes de citoyen !...

La nécessaire évolution du statut de l’enfant passe par la transformation du statut de l’écolier ; et on ne peut espérer que dans la conjonction des efforts de tous. En jouant des rôles complémentaires, l’école, la famille et le corps social peuvent ainsi contribuer à créer les conditions de naissance d’une « éducation permanente » qui commenceront dès l’enfance. Il ne sera plus nécessaire, comme c’est le cas actuellement avec les adultes en formation, de déconditionner, décrisper, déscolariser la curiosité, le désir de savoir, le goût d’oser et de créer, progressivement éteints au cours des années d’initiation... Le temps d’apprendre sera ainsi indissociable du temps de vivre. Chaque instant de l’existence sera consacré à modifier le présent, seule manière de préparer l’avenir, individuel et collectif.

Dans une telle perspective éducative, il n’est plus possible de considérer l’enfant comme un adulte inachevé, un être sans expérience, mineur et irresponsable, qu’il convient avant tout de protéger. L’enfant n’est plus un individu que les adultes élèvent, mais, au même titre que chacun d’entre nous, un être qui s’élève lui-même avec l’aide de tous. Il n’agira et n’apprendra vraiment que si les situations de vie, dans lesquelles il va se trouver, lui permettent de prendre des responsabilités, d’affronter les contradictions et les conflits, d’analyser, son action. Les situations artificielles, qui caractérisent actuellement l’école, provoquent des actions sans conséquences et comportent, de ce fait, un évident mépris de la personne, masqué par le culte de l’enfant. L’évolution des mœurs qui s’attaque au racisme, au sexisme, qui conteste la notion d’infériorité et revendique le « droit à la différence » doit s’étendre à l’enfant. Les premiers balbutiements de cette évolution ont engendré « l’enfant-roi », conception insensée aux conséquences dramatiques. Leur condamnation ne justifie pas pour autant le retour aux pratiques éducatives anciennes. La transformation du « statut de l’enfant » doit poser clairement le principe du respect de sa personne. C’est en permettant à l’enfant, avec sa différence, avec les caractéristiques de son âge, avec l’aide appropriée de l’adulte, de s’engager dans des actions sérieuses, socialement utiles et reconnues, soumises à la sanction de la réalité et susceptibles de transformer celle-ci, qu’on lui assurera le mieux ce respect. Paradoxalement, c’est plus au sein de la famille qu’à l’école, pourtant spécialiste de l’éducation, que l’évolution du statut de l’enfant s’opère le plus vite dans cet esprit. Cela, sans doute, du fait des contraintes matérielles qui pèsent sur la vie et le travail des parents et dont l’école, en devenant un enclos de plus en plus spécialisé, parvient à se protéger. Ce qui épargne à l’enfant certaines agressions, mais crée en retour un lieu tellement artificiel qu’il perd toute efficacité en tant que moyen de formation, car il maintient son statut de dépendance.

C’est une raison supplémentaire pour que le débat s’engage, pour que « l’école soit l’affaire de tous ».

« Où l’apprenti lecteur se révèle sous son véritable visage d’être social »

[1Dans La révolution du temps choisi, (Albin Michel) l’actuel Ministre des Finances, Jacques Delors, écrit : « Tous les défauts de notre organisation du temps sont inscrits, dans le temps scolaire, sous leur forme pure. De 4 à 18 ans, l’enfant consacre le plus clair de son temps à étudier. La semaine scolaire, c’est déjà les 40 heures. La vraie vie est ailleurs. Temps excessivement chargé très tôt. Temps gris, lent, lassant, des heures de classe : version enfantine de l’ennui au travail. Temps tronçonné de la façon la plus caricaturale. Clivage radical entre le temps d’étude et le temps libre, la classe et les vacances. Temps uniforme... Éducation contraire à la maîtrise du temps. Anti-pédagogie même de l’autogestion du temps ».

[2J. Crosnier, professeur à l’UER Necker Enfants-Malades, écrit dans le Monde :... (la sélection) est basée sur un concours portant sur des matières dites fondamentales : mathématiques, physique, chimie, statistiques, etc. Ce concours qui va éliminer près de trois quarts des candidats condamne obligatoirement au bachotage ces jeunes à peine sortis du lycée. Ainsi, vont sûrement être reçus les bons élèves, mais il n’est pas certain qu’ils soient aussi les futurs bons médecins. Cette pérennité en première année de faculté d’une scolarisation infantile, cette hantise de l’échec à l’examen vont s’aggraver pendant toute la durée des études. Nos étudiants sont souvent capables de retenir un cours magistral sans en changer un mot... par contre, ils ne savent pas lire un article, en faire la synthèse et encore moins la critique, ni utiliser une bibliographie...

[3Le Syndicat National des Instituteurs a adopté, en 1981, une motion de congrès qui précise : « Les objectifs de l’école élémentaire... ne sont pas seulement l’acquisition des connaissances. L’écoie doit éveiller l’enfant, c’est-à-dire le conduire par l’observation et le développement de ses aptitudes à l’épanouissement de sa personnalité... Par son approche globale, qui doit intégrer le présent de l’enfant, prendre en compte ses acquis, ses motivations, son environnement quel qu’il soit, l’école élémentaire est le moment capital où l’avenir éducatif de l’enfant se structure ». Ce n’est qu’une motion, mais ce qu’elle contient nous donne l’espoir d’être, un jour, concrètement entendus.

[4de l’organisation complète du goûter quotidien à celle de la classe verte autogérée avec maîtres et parents ; — de la réalisation de toutes les étapes d’une série de livres destinée aux apprentis lecteurs, à celle d’un film humoristique reflétant la vie de l’enfant dans sa famille ; — de la soirée restaurant-cabaret destinée à tous les parents d’une classe au Festival de création enfantine concernant tout le quartier ; — de la participation active aux consultations de la santé scolaire aux campagnes de prévention contre les accidents, les poux, etc ; — de la gestion de la Bibliothèque-Centre-Documentaire de l’école à l’analyse des nouvelles parutions en vue des achats de livres ; - de l’information des familles par les journaux, diaporamas, exposition, à la participation à la revue municipale et au journal de quartier ; - de la radio libre ; - etc