Dossier : « Pratiques de classe en recherche »

« Écrire dans une classe de CM »

Thierry OPILLARD

Thierry Opillard décrit un dispositif facilitateur d’écriture pour des élèves de CM. Celui-ci, mâtiné d’un travail en lecture où l’habitude est prise de pister systématiquement ce que le texte dit sans le dire, où les élèves deviennent des lecteurs de soupçon, des dénicheurs de ressorts textuels, leur donne envie d’en être aussi producteurs. Quand on sent, sans savoir comment on va s’y prendre ni si ça peut aboutir, qu’on va, qu’on peut, basculer de l’écriture d’une aventure dans l’aventure d’une écriture...

« Ma conviction profonde el constante est qu’il ne sera jamais possible de libérer la lecture si, d’un même mouvement, nous ne libérons pas l’écriture. »

Roland Barthes

« L’enjeu du travail littéraire (de la littérature comme travail), c’est de faire du lecteur, non plus un consommateur, mais un producteur de textes. »

Roland Barthes - Le plaisir du texte

Le contexte

Après plus d’un gros tiers de ma carrière en école maternelle avec des « publics de quartiers » comme disent les collègues qui ne les ont jamais croisés, je retourne en CM avec des enfants majoritairement de catégories socio-professionnelles moyennes et supérieures de zone périurbaine. Ils sont trente et presque tous pourvus en lecture des compétences de bases et, pour une bonne partie, des compétences approfondies, lisent des livres entiers, sont scolaires et éveillés. Il « ne reste qu’à » leur faire découvrir qu’il y a aussi des compétences remarquables, ce qu’ils feront avec délectation, et que ça pourrait bien avoir à faire avec l’écriture. Je fais le deuil d’une « politique de lecture » à une échelle dépassant l’école voire la classe, il me reste très peu de temps dans la carrière, et la structure socio-géographique de petit village péri-urbain sympathique et vivant est probablement encore moins demandeuse de ça que la moyenne. Alors je fais miennes ces lignes d’Edouard Glissant :

Pense avec le monde,
Il ressort de ton lieu,
Agis en ton lieu,
Le monde s’y tient,

pour faire le peu que je peux là où je peux, en saisissant les opportunités, les possibilités, les velléités, si elles se présentent, si je réussis à en créer. Pour que les enfants puissent faire le maximum qu’ils peuvent là où ils pourraient avoir prise.

Installer un cadre pédagogique...

La problématique de « faire écrire » les élèves.
Les élèves doivent savoir lire écrire compter. Qu’est-ce que cela recouvre de savoir écrire ? On le sait, l’alphabétisation les place en situation de croire en une sorte d’isomorphisme formel et fonctionnel entre l’écrit et l’oral ; elle les met dans l’obligation de transcrire de l’oral sur du papier quand ils écrivent, parce qu’ils ont appris que lire c’est déchiffrer par oral ce qui est écrit, que l’un est le calque de l’autre. Le système éducatif s’est organisé ainsi par souci économique court-termiste [1], par méconnaissance de ce qu’est écrire, par intention déclarée aux origines [2] de ne pas mettre à disposition du plus grand nombre cet outil puissant de penser qu’est le langage écrit [3]. Une véritable appropriation de l’écrit passe par bien autre chose que l’immédiate présence au monde de l’oral : une implication économico-sociale qui procure le statut d’acteur, une réelle situation de communication écrite, un réel destinataire, du temps pour produire, une entrée dans cette manière de penser qui éloigne du conjoncturel pour s’approcher du structurel, etc. : il fallait tendre vers cela en tirant le mieux possible sur chacune de ces rênes et faire avancer l’attelage. « La sémiotique de l’écrit n ’est pas un redoublement de la sémiotique de l’oral » a dit Jack Goody. Cela, il faut le faire vivre aux élèves, en organiser l’expérimentation réitérée, leur faire sentir, et, réfléchir dessus : « On enseigne à écrire le « français » aux jeunes gens mais on ne songe pas que le meilleur conseil serait de les incitera réfléchir quelque peu sur le langage » écrit Paul Valéry, dans Cahiers.

Le grand saut. Au début de ma carrière, j’avais expérimenté de façon intuitive et peu organisée avec une classe de CM le fait d’écrire fréquemment, des textes longs, et constaté qu’une certaine qualité apparaissait au fil des productions, tant dans la forme que dans le fond. L’idée était de recommencer, de façon plus structurée, armé des concepts afliens. Il fallait, en arrivant dans cette classe de CM, obliger les élèves à plonger dans un univers nouveau et déstabilisant, où le groupe allait devoir faire corps par les mutualisations de leurs vécus pour se sortir de cette situation. Il fallait les y accompagner avec des théorisations claires. Il fallait mouiller le maillot avec eux, c’est-à-dire écrire aussi, et mettre au pot commun les tenants et aboutissants de ma propre écriture.

1) Travail préparatoire d’accumulation et d’organisation du matériau, sur un espace spécifique
On travaille d’abord à mettre en doute qu’écrire c’est poser sur le papier de l’oral au fil des idées qui arrivent, ce qui s’observe dans leurs écrits, tant dans l’orthographe inventée à partir de ce qu’ils entendent, que dans la syntaxe de leurs phrases qui est bien plus paratactique qu’hypotactique [4].

Pour cela, il est institué une méthode de production : un travail préparatoire d’accumulation et d’organisation du matériau collecté est systématiquement demandé, sur une feuille spécifique, une feuille de travail, la « fameuse feuille verte » qui a fait tant parler dans la classe et dans les familles.

Ce premier document a été lu et étudié en détail, au tout début de l’année. Très vite et pour passer au concret, la première « consigne à contraintes » [5] est distribuée : un suivi au plus près de l’avancement et du renseignement de cette feuille de travail est organisé au quotidien, en mettant en avant celles qui correspondent à l’attente, en montrant les diverses formes qu’elles peuvent prendre. Le groupe réalise que cette feuille verte est un chantier, un espace d’essais et de choix, parfois d’impasses et d’abandons. « L’art des vers, par bonheur, n’est pas un art certain, il s’y présente à chaque instant des problèmes sans issues. Un rien fait naufrager un beau poème, compromet ¡’accomplissement, brise le charme. Le cerveau des poètes est un fond de mer où bien des coques reposent. Mais ces situations plus ou moins désespérées que connaissent tous les poètes, elles ne sont pas toutefois inutilisables. C’est une affaire d’esprit. Après tout, l’observateur qui est en nous n’est-il pas plus instruit par la défaite ? Ce qui se fait facilement se fait sans nous. » nous dit Paul Valéry. Il perçoit progressivement que le processus d’écriture n’est que la déclinaison du processus plus général de nos autres productions [6] et des productions humaines en général.

Répondant à la promesse faite que j’allais écrire à chaque fois en même temps qu’eux, je leur donne deux exemples de textes produits à partir de la consigne ainsi que les éléments de mes « feuilles vertes », un texte de facture narrative classique et un texte ressemblant à un fil de pensée intérieure, l’un et l’autre comportant des éléments clin d’œil du vécu de la classe. Ce second texte, en détournant la consigne, contribue à élargir leurs représentations de l’acte d’écrire : ce n’est pas seulement raconter des histoires...

2) Une consigne précise qui définit un cadre d’écriture pour constater qu’écrire n’est pas forcément inventer une histoire
C’est alors que « l’imagination » fait son entrée ! « C’est drôle, c’est une histoire et c’est pas une histoire, comment t’as inventé ça ? », « Moi, j’ai pas d’idées... », « J’ai pas d’imagination... ». Pour débloquer cet obstacle, relevant grandement des représentations romantiques ancrées en eux très tôt, les occasions, provoquées ou fortuites, n’ont pas manqué [7]. Ainsi, au début de l’année, pendant l’étude approfondie du roman Le secret de Grand-père [8] de Michael Morpurgo, nous nous sommes demandé en lisant sa bibliographie pourquoi il avait écrit des livres intitulés Rabin des bais, ou Le roi Arthur ; ou encore Les fables d’Esope. Il fut évident, après nos échanges, qu’il n’en était pas l’auteur original, qu’il n’avait pas comme intention d’écrire ces histoires, puisqu’elles l’étaient déjà, mais qu’il voulait plutôt faire autre chose avec ce qui existait déjà. « Il voulait y mettre son grain de sel. » comme a dit une élève, sans peut-être avoir complètement perçu la pertinence de sa métaphore culinaire. Réécrire une histoire n’est pas un problème, ça s’est toujours fait, de la part des plus grands auteurs. Pourquoi donc font-ils cela ? C’est le travail quotidien sur les textes qui va nous faire approcher des éléments de réponse. Le choix du texte de Cécile Ladjali s’impose : travail ardu, long, nécessitant un fort accompagnement, mais quelle révélation, quelle libération. « Je peux écrire quelque chose que j’ai vu à la télé ou au cinéma, ou que j’ai déjà lu » ?

ÉCRIRE, C’EST LIRE ET PILLER CE QUI EXISTE
« Mes personnages ne sont jamais que les enfants nés de mes lectures. Il m’est impossible d’écrire sans avoir lu, parce que la tâche de l’écrivain commence avec ce patient arpentage des œuvres, crayon en main, cornant les pages, lisant à voix haute bien souvent. Un écrivain est avant tout un grand lecteur. Mais un lecteur qui a du vice : il perturbe le cours calme et suave de la lecture, crée un estuaire, et précipite les mots arrachés aux livres dans l’océan de ses travaux. Le roman en train de s’écrire est ainsi continuellement abreuvé par les très riches heures passées à fréquenter les textes des autres. Si les images et les mots volés viennent à manquer, la mer se tarit puis meurt. Le sel a rongé sa faune, sa flore. La page, son intention même est devenue sèche, râpeuse. On ne crée jamais rien. On se souvient du poème lu la veille. C’est tout. « Je n’ai jamais été capable d’inventer » a écrit Paul Celan dans une lettre de 1962. Le poète des poètes l’ayant avoué, admettons après lui qu’on ne crée pas ex nihilo mais qu’on se contente de faire l’inventaire des lexiques, des syntaxes, des images, en arpentant notre bibliothèque pour ensuite instiller ces principes essentiels au texte en cours. Et si l’on a un peu de talent, la forme est nouvelle, le langage chante d’une autre manière. »

(Cécile LADJALI / Ma bibliothèque Lire, écrire, transmettre, Seuil, 2014)

Oui, écrire, c’est mettre son grain de sel dans une histoire, c’est mettre son grain de sel dans le monde. De quoi épicer ce quotidien où on n’est pas sensé avoir son mot à dire. Tout ceci ouvre des droits enthousiasmants, ils le comprennent vite, mais impose en retour des responsabilités et des devoirs qui font entrer en société.

3) Une aide technique en soutien
L’entraînement simultané sur eisa, sur les types de compétences de lecteur, notamment les compétences remarquables dont l’une d’elle est la lecture de l’implicite, les aide à découvrir que les intentions d’un auteur ne sont pas toujours explicitées de façon transparente. Le petit chaperon rouge ne nous raconte pas seulement l’histoire d’une petite fille qui va porter des victuailles à sa grand-mère... Sinon, pourquoi donc Le petit chaperon rouge serait-il écrit et réécrit tant de fois ? Il y aurait donc un au-delà du miroir dans les textes, chez les auteurs... Chez les gens ? Dans la vie ? Ils découvrent que Yakouba expose une problématique morale au-delà de l’anecdote de la vie d’un jeune homme africain. Celle-ci a peut-être déjà été racontée sous d’autres formes, inattendues ; il nous semble bien apercevoir de l’Antigone chez ce jeune homme... Entre lois de la Cité / de la Communauté et impératifs moraux personnels, il faut faire un choix. [9] Et je constate, après la mi-année, que certains élèves se mettent dans la démarche d’essayer d’insuffler à leurs textes, des éléments nouveaux : du clin d’œil, des références [10], des situations destinées à illustrer un problème sous-jacent plus grave, voire des éléments de réflexion tirant vers la « philosophie ». Très vite le problème de « l’imagination » s’est estompé : « Là, j’ai une idée de production écrite, mais elle n’ira pas avec ce qui est demandé celle semaine. Est-ce que je peux commencer à l’écrire, à faire une feuille verte ? Je peux la mettre en réserve pour une autre fois ? » demande Timothée.

UN FOND DE MER OÙ BIEN DES COQUES REPOSENT
La semaine précédent les vacances de février, je leur distribue la consigne d’écriture suivante :

PRODUCTION ÉCRITE N°9 / Consigne
1) Relisez la nouvelle de l’homme dont le regard « guérit la planète de ses maux » et donc élimine l’humanité.
2) Finalement, le narrateur et la femme qui se sont retrouvés dans l’espace à bord de la station spatiale ne sont pas seuls. Il y a d’autres humains. Trouvez une idée pour montrer cela et comment ils vont pouvoir communiquer et se regrouper.
3) Pendant les vacances de février, j’utiliserai vos idées pour écrire la suite de la nouvelle.

Remise de vos feuilles vertes et blanches : vendredi 5 février / Remise de mon texte : lundi 22 février

Le sujet est difficile et crée un peu de désarroi. Une séance de brainstorming est provoquée pour les mettre en selle et leur proposer du matériau à piller. On se remémore ensemble le déroulement de la nouvelle et sa fin, les conséquences pour l’espèce humaine si on en reste là (deux humains seuls qui ne peuvent pas à eux deux repeupler la Terre). Il nous faut trouver d’autres humains rescapés du grand nettoyage de la race humaine qui a terminé l’histoire. Nous allons alors vivre ensemble cet exploration des possibles. Nous allons écarter les solutions peu crédibles, peu cohérentes temporellement, logiquement, scientifiquement et celles qui font basculer la nouvelle de science-fiction dans le fantastique ; bref, nous allons cerner les contraintes qui nous permettront d’établir le cadre de notre écriture. Nous allons multiplier les idées, ouvrir les voix à développer. Le tableau devient une gigantesque feuille verte où ça fusent de toutes part. Janelle prend en note sur un ordi :
1) des gens qui reviennent de mars (20 personnes).
2) refabriquer des humains avec de l’ADN et des robots qui refont des bébés.
3) banque de spermatozoïdes et d’ovules.
4) faire un enfant qui aura les deux pouvoirs de ses parents et sauvera la terre.
5) ils font des échanges de cœur de foi etc. et ils remettent ce qu’lls ont trouvé dans des corps d’humains morts qui sont enterrés.
6) des gens ont fui leurs pays à cause de la dictature et ils sont allés sur une autre planète avec des vaisseaux (des centaines de personnes).
7) base lunaire secrète qui faisait des expériences d’isolement d’un groupe d’humains (24)
8) des humains sous la terre, spéléologues, creusement de tunnels (aussi en plongée sous-marine où dans des sous-marins).
9) les scientifiques des laboratoires P4 (épargnés car super isolés).
10) tribus écologiques de l’Amazonie qui n’ont jamais fait de mal à la planète.
11) des astronautes cryogénisés pour un long voyage de retour vers la Terre.
12) fusée retrouvée, humains congelés.
13) le pouvoir de l’homme n’a pas éliminé les humains mais les a téléportés ailleurs.
On s’est arrêté là et là n’était pas le plus intéressant : c’était dans les idées que nous avons abandonnées et pourquoi nous les avions abandonnées. L’expérimentation en direct de ce qu’a si bien traduit Valéry.

4) Le destinataire
Se trouver dans une réelle situation de communication, autrement dit avoir un réel destinataire, est probablement la condition principale qui permet d’écrire : à l’opposé de l’oral, le scripteur se trouve dans la situation de devoir prendre en compte l’absence du destinataire, de devoir gérer les éventuelles questions qu’il se posera, d’anticiper sa compréhension et les effets possibles du texte sur lui. Or, dans les conditions actuelles du système d’enseignement, les sollicitations du corps social auprès des jeunes en général pour les faire interagir avec l’extérieur, qu’ils soient à l’école élémentaire, au collège ou plus loin encore dans leur scolarité ne sont pas légion, c’est peu de le dire ; l’Ecole fonctionne en circuit fermé, isolée du reste de la société. Si elle essaie de créer des situations de communication écrite, elles sont limitées, souvent artificielles, mais peuvent avoir l’avantage de réduire la boucle scripteur-lecteur. Puisque c’est indispensable, j’ai essayé d’agir sur ce levier : ► en m’instituant lecteur réel de leurs textes à travers des critères communiqués à l’avance (voir ci-contre), ► en renvoyant systématiquement une « feuille jaune » en retour des feuilles vertes et blanches reçues.

Chaque fois que leur travail leur est rendu, il est accompagné d’une feuille jaune développant des remarques sur la nature du texte, sa construction, l’enchaînement des idées, les problèmes rencontrés à sa lecture, mais aussi, sur leur utilisation de la feuille verte et des conseils pour mieux l’utiliser encore, et enfin proposant un programme de travail personnalisé relatif à la réécriture du texte ou d’une de ses parties, ainsi que des entraînements liés aux règles de l’écrit, ► en instituant des pairs lecteurs : très vite dans l’année, des textes finis, puis des feuilles vertes ont circulé, bizarrement un peu sous le manteau au début. Une fois cette bonne pratique officialisée, c’est de façon organisée que chacun s’est trouvé un ou des relecteurs qui donnent leur avis, pointent un problème de cohérence, apprécient le passage de suspense, etc. ► en lisant à la classe les bons textes et en analysant ce jugement, reprenant alors les critères déjà énoncés par ailleurs de lisibilité, de cohérence, de prise en compte du destinataire, de logique, d’orthographe, etc.

5) Du temps consacré à l’écriture, la régularité des séances
Un texte à produire par semaine, toute la semaine pour le préparer et le travailler, du temps en classe, du temps à la maison, du temps pour lire ensemble la feuille verte, du temps pour lire ensemble la feuille jaune, du temps pour trouver une organisation textuelle et sémantique qui fait sortir d’une impasse... Au départ, il leur a bien été spécifié que ce n’est pas la quantité qui était attendue, mais le travail d’écriture, de « rumination de la langue » comme on a pu le faire un jour autour de la première phrase de Thierry Dedieu dans Yakouba, « De partout à la ronde ; on entend le tamtam » : on a cherché toutes les façons d’écrire la même idée que lui et on a compris pourquoi il avait choisi la sienne. Comme on peut le faire lors des activités de production poétique, essais-erreurs, estimations des effets de sens et des ressentis de la poétique des manipulations expérimentées de façon intense. C’est le fait de devoir écrire qui rend sensible à l’écriture des autres, à l’écriture, par le besoin de s’approprier la langue, le besoin d’y faire éponge, qui donne envie de renseigner, matériellement ou mentalement, son carnet de lecteur/écriveur pour se construire une banque dans laquelle piocher à volonté.

« C’est par la comparaison des textes qu’on peut aiguiser le sens de l’écriture. Le pastiche me semble un meilleur exercice que la dissertation, pour découvrir comment un autre écrit ; ou la récriture : condenser ; étendre, dialoguer une nouvelle pour la scène ou pour l’écran. En s’entraînant à écrire on apprend à lire. » Jean Guénot - Le goûteur d’encre

Écrire c’est maîtriser un certain nombre de contraintes, c’est parmi toutes celles qui existent et peuvent exister, savoir choisir celles qui servent le mieux le propos et ciblent le mieux le destinataire. C’est donc d’intensité du travail intellectuel autour de cette activité d’écriture qu’il est question, de prise en compte de l’ensemble des contraintes de l’activité, de celles qui existent de façon incontournable et de celles qu’on se donne. Pas de quantité. Sauf que, ces contraintes sont libératoires, facilitatrices, et font advenir étonnement de la quantité, en terme de nombre de signes.

PRODUCTION ÉCRITE N°8 / CONSIGNE :

Voici 5 mots ou expressions : vous devez les utiliser dons le texte que vous écrivez, drapeau noir - jambe de bois - mer - ¡le - à l’abordage !
MAIS, vous ne devez pas faire une histoire de pirates.
Remise des feuilles vertes et blanches : vendredi 29 janvier.

TEXTE DE LILOU

Dur, dur, ce texte !

Samedi 23 janvier
Vendredi, le maître nous a donné une histoire à faire, je vais vous lire la consigne :
« Voici cinq mots ou expressions : drapeau noir, jambe de bois, mer, île, à l’abordage ! : vous devez les utiliser dans le texte que vous écrivez... »
Là, tout de suite, j’ai pensé à une histoire de pirates, pas vous ? Puis, j’ai lu la suite :
« MAIS, vous ne devez pas faire une histoire de pirates. »
J’étais tellement dégoûtée, je venais tout juste d’avoir cette idée. Je n’avais plus aucune idée. Juste après, j’ai regardé la remise des feuilles :
« Remise des feuilles vertes et blanches vendredi 29 janvier. »
Ça me faisait une semaine pour écrire mon texte. D’habitude, j’ai l’inspiration dès que je lis les mots, mais là, je n’ai aucune inspiration, vraiment aucune. Quelle idée lui est passée par la tête à ce maître ? Des mots de pirates, sans histoire de pirates !

Dimanche 24 janvier
Ce matin, je suis toujours à la recherche de l’inspiration pour mon texte, je cherche dans mes livres, mais rien. Ah oui ! J’ai une idée !
« Sur un grand navire, un beau drapeau noir se dresse en haut du mât, le chef Jambe de Bois dit : À l’abordage ! Nous partons en mer sur l’île Sacrée ! »
Non, ça ne va pas, c’est trop court, et en plus, c’est une histoire de pirates...

Lundi 25 janvier
Aujourd’hui, c’est mon anniversaire et je n’ai pas la tête à penser à mon texte. À l’école, des cadeaux sont posés sur ma table. Tout d’abord, il y a une lettre de toute la classe, un très joli bracelet de Louise, Ambre m’offre une jolie carte et un beau tableau de sable, tandis que Marie me donne un bracelet en élastiques. Je remercie tout le monde. Le soir, je me couche très contente de cette journée. Et à aucun moment de la journée je n’ai pensé à mon texte.

Mardi 26 janvier
Ce matin à l’école, le maître nous a annoncé que nous allons faire un livre avec les meilleurs productions écrites de l’année. Il a cité sept prénoms, dont le mien, pour recopier le texte n7 à l’ordinateur. À la récréation, j’ai commencé à le taper et je n’ai pas pensé à mon texte. Je me dis tant pis on verra demain...

Mercredi 27 janvier
Aujourd’hui, quand j’ai pris ma feuille verte et que je l’ai regardée, il n’y avait noté dessus que les personnages et le lieu. Il me restait deux jours pour écrire mon texte. J’en avais oublié les mots, je me les suis remis en tète :

« drapeau noir, jambe de bois, mer, île et à l’abordage ! »
Il fallait absolument que je m’y mette.
Mais... finalement... ce que je viens de faire... n’est-ce pas un texte ?
J’espère que ça plaira au maître, quand je vais lui rendre !

FIN

Commentaire :
Ce texte réinvestit, à distance, plusieurs éléments étudiés ou vu en dasse au cours des 5 premiers mois :
 l’exemple donné par le maître du détournement de consigne
 le journal (Journal d’un chat assassin, etc.)
 adresse au lecteur
 clin d’oeil à propos d’une discussion sur la notion d’inspiration et écriture à propos de la méthodologie de travail proposée par le maître
 gestion volontaire d’une manière peu orthodoxe de rapporter les paroles ou les pensées

TEXTE DE THOMAS

www.commentbientricherenfrancais.fr
BIENVENUE SUR NOTRE SITE :
Comment bien tricher en français
Si vous lisez ce texte, ça veut dire que vous avez du mal à trouver une histoire. Moi, Thomas L., j’ai trouvé les cinq solutions les plus rapides à votre problème.

L’exemple :
Vous avez une production écrite à faire avec cinq mots qui sont : drapeau noir, jambe de bois, île, mer et à l’abordage !
Cher lecteur ou chère lectrice, vous vous dites : une histoire de pirates et puis c’est bon. Mais, contrainte supplémentaire, vous ne devez pas faire une histoire de pirates. Maintenant, passons aux cinq solutions.

Solution 1 :
Si vous faites votre production écrite sur un ordinateur, c’est très simple, il faudra une clé USB, deux ordinateurs dont un qui doit avoir une production écrite déjà faite, par un ami ou par quelqu’un d’autre.
Première étape, prenez l’ordinateur qui a la production écrite sans que son propriétaire s’en rende compte. Deuxième étape, branchez votre clé USB à l’ordinateur que vous avez emprunté et prenez le texte de cette personne. Et voilà !

Solution 2 :
Demandez de l’aide sur internet, créez un forum avec les consignes que j’ai données dans l’exemple et voilà.

Solution 3 :
Pendant le temps libre ou la récré, vous devez essayer d’être au plus mal, que vos camarades aient pitié de vous, comme ça ils vous aideront à faire votre production.

Solution 4 :
Copiez un livre et rajoutez les mots ou les expressions.

Solution 5 :
Utilisez la fameuse et incroyable feuille verte !

FIN

À la prochaine fois pour de nouveaux textes...

Commentaire :
Ce texte réinvestit lui aussi quelques éléments :

 l’exemple donné par le maître du détournement de consigne
 adresse au lecteur
 écriture à propos de la méthodologie de travail proposée par le maître, feuille verte, aides,
 la notion de pillage, cf. texte de Cécile Ladjali, mais elle-même détournée avec humour
 le travail sur l’humour dans les textes
 le rapport aux ordinateurs qu’on est en train de vivre

...Pour le plus rapidement possible toucher le vrai travail d’écriture

Ou comment on arrive à toucher du doigt ce qu’est le véritable travail d’écriture, de mise en forme d’un monde, du monde.

« On n’écrit (on ne décrit) jamais quelque cime qui s’est passé avant le travail d’écrire, mais bien ce qui se produit (et cela dans tous les sens du terme) au cours de ce travail, au présent de celui-ci, et résulte, non pas du conflit entre le très vague projet initial et la langue, mais au contraire d’une symbiose entre les deux qui fait, du moins chez moi, que le résultat est infiniment plus riche que l’intention. » Claude Simon, Discours de Stockholm

Néanmoins, malgré ce dispositif pédagogique, malgré ses effets de quantité et de qualité, il restait la rêne du levier social tourné vers l’extérieur de la classe qui ne répondait pas vraiment : tout cela tournait un peu en rond. Un jour, à l’issue de la lecture magistrale d’un ou deux très bons textes, certains ont voulu en avoir photocopie pour pouvoir les relire (et probablement s’en « inspirer », voire les piller, mais pourquoi pas puisque c’était conseillé...). « Ça nous fera un souvenir ! », « Ce serait dommage qu’on le perde celui-là ! », et, bien sûr, le petit malin qui dit à la cantonade : « On pourrait faire un livre ?! Avec nos textes ! ». Et comme ils l’espéraient tous à peine secrètement, la cantonade répond : « Eh bien oui, pourquoi pas ! ». Pourquoi pas, à notre époque, ça ne coûte rien de se faire éditer ou presque, seulement de l’huile de coude et du jus de cerveau. Et ils vont très vite s’en apercevoir... Evidemment, on discute des conséquences, tant du point de vue du travail que cela va nous demander, que de là où on place la barre pour qu’un texte soit dans le livre. Mais ils ne vont pas dételer des ordis, des feuilles vertes, des feuilles jaunes et des feuilles blanches. L’idée de produire un livre, cette socialisation du produit, sa place dans leurs bibliothèques personnelles, dans les familles ou dans la bibliothèque municipale, cela crée « un élargissement du champ des possibles ».

Cela a plusieurs conséquences :

► Les mettre dans la position « qu’ils ne devaient pas avoir à rougir de ces textes quand ils seraient plus grands » (Certes, c’est un peu fort, mais il faut savoir tirer sur la zone proximale de développement...) a fait qu’ils se sont mis à les revisiter (« Tu te rends compte, c’est comme ça que j’écrivais en début d’année... ») ; ils les ont choisis en ré-explicitant les critères. Ensuite, ils se sont mis à les saisir sur une quinzaine de petits ordinateurs d’une armoire ENR [11] tombée dans un oubli de maintenance. Cette réécriture est très efficiente. La reprise à distance dans le temps fait d’eux des lecteurs de leurs propres textes qu’ils ne réussissaient pas à être au moment où ils les écrivaient : ils pistent les tournures maladroites, les inexactitudes, remettent des précisions dans le déroulement de leur histoire, devant en ressaisir la cohérence générale. La perspective de publication les rend pointilleux comme jamais sur la ponctuation, les gras et les italiques, les règles d’écritures des dialogues. Lors de la reprise de leurs textes, ceux-ci n’ont plus été considérés comme des objets aboutis sur lesquels plus rien n’était possible. En les tapant sur les ordinateurs, certains se sont mis à réécrire, retravailler, réutiliser ce matériau comme quelque chose qui pouvait encore être remodelé.

► Puis quand certains voyaient que « ça n’allait pas » mais ne savaient que faire, faute d’avoir assez de recul ou de moyens linguistiques à leur disposition, ils venaient demander de l’aide. On a alors vécu des relations duelles, des situations de réécriture de texte, au plus près des mots, de la syntaxe et de la pensée en cristallisation ; il est étonnant de voir comment cette relation maître/élève était suivie par d’autres élèves, spectateurs, qui voyaient de cette maïeutique sortir de l’inouï, de l’impensé, de la forme de l’informe, qui voyaient comment le changement d’une fin révèle le potentiel dramatique d’un texte banal et linéaire jusqu’à ce moment. Il faut à ce moment-là questionner les intentions de l’auteur, jauger ensemble les effets sur le lecteur, proposer des mots encore inconnus pour préciser au mieux la pensée, faire entrevoir la richesse de la langue par ses manières multiples d’exprimer la pensée et... découverte majeure, se rendre compte que certains essais à priori infructueux de mots ou de syntaxes recelaient parfois des pépites qui nous laissaient bouches bées [12].

► Et puis, en avril, la chose suivante est arrivée, probablement conséquence de la précédente : certaines des élèves, les plus avancées dans la maîtrise de la production des textes, ne me rendent à la fin du temps imparti que leurs feuilles vertes, et celles-ci sans les habituelles accumulations de matériau, de listes de personnages, de lieux, etc. Avec plutôt, directement, de larges franges de texte. Elles disent, gênées, n’avoir pas eu le temps, et pourtant, je les ai vues sérieusement trimer, passer du temps. Néanmoins, elles tiennent à me rendre cette feuille de travail, s’affranchissant de la feuille blanche qui a encore pour beaucoup le statut de feuille-où-on-recopie-au-propre. Comme c’est dans cette feuille verte que je vais chercher des informations sur leurs démarches, je la prends volontiers et leur réponds, dans un réflexe d’encouragement, que je vais la lire, que ce n’est pas grave. Mais je suis intrigué, à la fois par la transgression et leur volonté d’être lues malgré tout. J’ai l’intuition que, vu leur niveau de concentration quand elles sont sur leurs textes, elles ne sont pas revenues à une écriture linéaire, au fil de la pensée. Les types de progressions des élèves dans elsa (mais aussi dans d’autres apprentissages) nous ont appris qu’à certains moments de restructuration des stratégies, on peut observer ce qui semble être des régressions. C’est dans cet état d’esprit que je reprends l’analyse de leurs productions ; on passe d’histoires qui tenaient debout à du texte certes, des morceaux de textes qu’on subodore pouvoir s’intégrer dans un ensemble plus grand, qui me paraissent plus « écrits ». Et c’est précisément maintenant, en écrivant ceci, en devant l’écrire, que je pense comprendre que la maîtrise des personnages, du système des temps, de l’orthographe, de nombre de tournures syntaxiques, n’est plus leur problème : véloces, elles ont appris à tenir cela en main, elles font de bons textes longs et complexes qui réjouiraient nombre de mes collègues, mais qui ne sont au final que la transcription d’un film qu’elles sont capables de se faire dans leurs têtes. Je comprends qu’elles sont entrées en écriture, qu’elles travaillent la langue et que la langue les travaille. Je comprends qu’elles disent vrai quand elles disent ne pas avoir eu le temps. On passe d’une histoire qui tient debout à du texte, qui ne tient pas encore bien debout, lui, et qui risque, si je ne les soutiens pas comme il faut, de les décourager. Du texte qu’il faut que je sache lire pour ce qu’il est, que je sache reconnaître, dans les trois sens du mot : territoire inconnu où il faut qu’on apprenne à dire les choses, les nommer, se rassurer dans l’exploration qu’on est en train de mener. Un nouveau besoin d’explicitation se fait jour, qu’il faut urgemment savoir exercer, au risque de voir reculer ces audaces.

C’est juste au moment où je fais l’effort d’écrire ces lignes que je comprends ce qui s’est passé ces derniers temps. C’est juste au moment où elles écrivent leurs lignes que je dois être capable de les aider à garder confiance en leur vague projet initial et leur langue, la langue, pour que la symbiose dont parle Claude Simon puisse opérer. Et là, territoire pédagogique inconnu, apprentissage total...

« Écrire dans une classe de CM. »

[1Un rendu visible, pardon, audible, rapide, mais les conséquences catastrophiques que l’on connaît en terme d’éloignement et de rejet de la chose écrite.

[2On ne rappellera jamais assez les des propos à l’Assemblée de Jules Ferry affirmant vouloir « fermer l’ère des révolutions » en mettant en place « l’école pour le peuple » pour enrailler les velléités de « l’école du peuple ».

[3« La question centrale en ce qui concerne la lecture et l’écriture apparaît bien comme celle du statut reconnu à l’écrit. La pensée dominante s’acharne toujours à en faire un substitut de l’oral présenté comme la forme spontanée de la langue. Ce phonocentrisme ambiant réduit en permanence l’écrit à n’être d’abord qu’un système de notation. La question est pourtant de savoir si l’écrit est langage et non simplement codage ou déchiffrage, c’est-à-dire en quoi il est l’instrument d’un certain nombre d’opérations intellectuelles spécifiques, l’outil de formes particulières dépensée, de modes de traitement de l’expérience, le langage nécessaire à l’exercice d’une raison graphique. Comme on dit du langage mathématique quil permet inséparablement de concevoir, d’exprimer et de communiquer une pensée mathématique, l’écrit oblige à penser ce qu’on ne saurait dire sans son usage. Autrement dit, on peut toujours créer des équivalences entre l’écrit et l’oral, il n’existera jamais d’identité, seulement des adaptations comme on en ferait si l’on voulait exprimer ce que l’on ressent d’un tableau avec des notes de musique ou mettre en scène un roman... » Jean FOUCAMBERT, www.lecture.org/ressources/ecriture/extraits/outil_pensee.pdf

[4La parataxe caractérise la tendance générale à l’organisation juxtaposée des phrases de l’oral et l’hypotaxe l’organisation très liée, par les conjonctions, des phrases du discours écrit, à moins qu’un choix paratactique soit volontairement fait par le scripteur.

[5PRODUCTION ÉCRITE n°1... Consigne : Écrivez une histoire / Vous devez utiliser les 5 mots suivants : caravane - diamant - exceptionnel - escalader - fémur / Remise des feuilles vertes et blanches : vendredi 18 septembre

[6Comme c’est le cas lors :
♦ de la semaine cirque du début d’année avec la production d’un spectacle à la fin, où on a constaté la nécessité d’écrits préparatoires, de travail, d’esquisses des numéros et de leur organisation : « la feuille verte du cirque »
♦ de la semaine en classe de découverte « cinéma d’animation » où il a bien fallu constater le même phénomène (dans le cadre de l’apprentissage du langage audiovisuel) et le travail au long cours de comparaison des constructions narratives entre textes et films
♦ des productions plastiques qui passent par un carnet de croquis, un cahier de dessins

[7On a retrouvé cette idée de « l’inspiration », plusieurs fois sujet de nos discussions, dans La rédaction d’Antonio SKÂMETA (Ed Syros) et cela les a fait sourire d’y voir des élèves attendre cette fameuse inspiration alors qu’ils ont à décrire pour un militaire de la junte chilienne ce qui se passe à la maison le soir...

[8Dont les thèmes sont : la guerre, les relations entre classes sociales et... la lecture et l’écriture.

[9Cette liste des personnages, rencontrés dans les livres ou les films, soumis à une telle situation ne fait que grandir au fil de l’année.

[10L’écrit est un vaste système référentiel (l’hypertexte de la Toile l’a matérialisé de façon inattendue). Cette notion n’est pas évidente à percevoir. J’ai eu la chance de laisser traîner l’owrellle à proximité d’une conversation entre deux lèves qui se montraient les vignettes d’une BD très en vogue dans la classe, Les Légendaires (Ed. Delcourt). Cette série est truffée de références clins d’œil à d’autres oeuvres, plus ou moins prosaïques, mais ce fut l’occasion d’aborder cet important concept qui conditionne l’accès à la culture.

[11Un plan École Numérique Rurale avait doté certaines écoles d’une armoire roulante comportant une quinzaine de petits ordinateurs portables pilotés par un autre portable plus puissant, ainsi que
d’un vidéo projecteur.

[12Il faut dire qu’en guise d’entraînement quotidien du soir, notamment pour subvenir aux besoins de mieux réussir une des questions de la série T d’Eisa, nous cherchons quatre titres à un texte et que l’un d’eux doit être un jeu de mots. Nous avons donc beaucoup travaillé sur les jeux avec le langage, catégorisé les jeux de mots, exercé chaque jour notre sensibilité aux rythmes, aux rimes, aux allitérations, aux calembours, aux contrepèteries, aux mots-valise, etc. et donc beaucoup malaxé, trituré, parfois torturé la langue...