Dossier « Textes sur l’éducation à la lecture »

« Quel modèle éducatif »

Dominique VACHELARD

« Ce que les sages ont fait appartient au passé et ne peut donc convenir à la situation actuelle. C’est sans valeur et il ne faut pas imiter. »

Kouo-Siang (Maître taoïste)

Dans le précédent numéro de cette revue, était présenté l’ouvrage de Bernard Collot sur « L’école du troisième type » [1] dans lequel l’auteur présente celle-ci comme « une école sans leçons, sans cahiers, sans programmes, sans émulation, sans horaires, sans emploi du temps, ouverte en permanence aux enfants, aux parents, aux adultes ».

Dans cet ouvrage, il questionne les lecteurs sur la nécessité de refonder le système éducatif : « Serait-il inintelligent de se dire que la cause, c’est le cadre, et que la cause de la cause c’est le fondement de ce cadre ? Certes il a été vaguement question de refonder l’école, mais jamais de refonder le système éducatif... »

Si, comme lui, nous voulons poser comme primordiale la question du cadre et de son fondement, c’est le système lui-même qu’il faut interroger, c’est-à-dire pas seulement l’institution en elle-même et son fonctionnement, mais toutes les variables, paramètres et sous-systèmes qui entrent en interaction lors du processus éducatif. Une manière de se questionner sur le problème des modèles et de la pertinence de leur transfert à d’autres milieux que celui de leur origine. A ce sujet, un autre ouvrage vient de paraître où le même questionnement apparaît : si l’on remet en cause le système éducatif, que convient-il de mettre à la place ? Est-il pertinent de chercher des modèles qui ont montré ailleurs leur efficacité ? La théorie soutenue par Isaac Getz, dans le domaine de l’entreprise, qu’il souhaite élargir à l’école, est à l’opposé de ce présupposé. La preuve, son titre : « L’entreprise libérée. Comment devenir un leader libérateur et se désintoxiquer des vieux modèles ? ». [2]

Modèle : « Chose ou personne qui, grâce à ses caractéristiques, à ses qualités, peut servir de référence à l’imitation ou à la reproduction ». En ce sens, on doit convenir que le monde de l’éducation se prête particulièrement bien et très régulièrement à ce type de raisonnement et de fonctionnement, où l’on cherche à implanter ailleurs et à adapter presque systématiquement des dispositifs dès qu’ils ont su produire quelque part dans le monde des résultats satisfaisants.

LA LIBÉRATION DE L’ENTREPRISE

Pour Isaac Getz, la libération de l’entreprise consiste à s’affranchir des pratiques fondées sur la méfiance et le contrôle pour co-inventer un mode d’organisation fondé sur la responsabilité et la liberté : « L’entreprise libérée est une forme organisationnelle dans laquelle les salariés sont totalement libres et responsables dans les actions qu’ils jugent bon — eux et non leur patron — d’entreprendre ». Il précise qu’à l’instar des architectes qui définissent une construction (par exemple un pont) à partir de sa fonction (permettre un passage par-dessus un obstacle) et non d’un ensemble de caractéristiques structurelles, « l’entreprise libérée est définie aussi à partir de sa fonction » (permettre la liberté et la responsabilité d’initiative) et non d’un modèle. » [3] (C’est nous qui soulignons : non d’un modèle).

De nombreux exemples d’entreprises libérées existent tout autour de nous : Favi, Chronoflex, Poult, IMA Technologies, W.L.Gore (le Gore Tex), département A380 d’Airbus (à Saint-Nazaire), etc.

Un exemple pris dans la vie locale de Brioude, celui de parents d’élèves de l’école de Lamothe, dirigeants d’entreprise et eux-mêmes « leaders libérateurs » : « Notre constat est que l’Homme, depuis son enfance, a besoin de liberté et d’autonomie pour s’accomplir. Cet accomplissement est un atout primordial et nécessaire à son bon développement et à celui de l’entreprise. Tout mettre en œuvre pour le bien-être au travail n’a pas seulement des répercussions sur l’entreprise mais aussi et avant tout sur les hommes et les femmes qui la composent et, par extension, sur notre société toute entière. Tout devient une suite logique dans laquelle le bien-être devient la priorité. Chez CN Industrie, notre objectif est très simple : donner du sens au travail collectif et individuel à l’heure du « bore-out » et des « bullshit jobs » afin que chacun s’épanouisse. Mais aussi garantir à notre équipe des revenus confortables pour vivre simplement de son travail et ne pas entrer dans une course à la croissance et aux chiffres. Dans les faits, le résultat est incroyable ! Notre performance a directement été proportionnelle au bonheur au travail. C’est comme cela que nous avons créé notre cycle vertueux, notre entreprise libérée ». [4]

Après cette rapide présentation du concept d’entreprise libérée, par souci d’honnêteté, nous précisons que certains détracteurs y voient une nouvelle forme possible de servitude, une mauvaise gestion des risques habituellement gérés par les fonctions support (services généraux, gestion des ressources humaines), des jeux politiques internes renforcés, une certaine médiocratie (prise du pouvoir par les médiocres), la désagrégation du dialogue social, une perte d’expertise, l’incapacité à faire face aux crises, etc.

L’ÉCOLE LIBÉRÉE

Parce que les deux milieux, entreprise et éducation, lui paraissent présenter des similitudes, notamment quant aux principes philosophiques qui sous-tendent leur transformation (confiance, respect, épanouissement et autonomie), Isaac Getz s’intéresse aussi à l’éducation libérée. Dans son ouvrage, il présente notamment l’expérience de Shimon Waronker qui a réussi l’exploit de transformer une école publique d’un des quartiers les plus difficiles de Brooklyn, lieu de violences répétées et d’absentéisme habituel, jusqu’à en faire une des institutions les plus efficaces et les plus prisées de New York. Pour en cerner le dysfonctionnement, Waronker s’est tourné vers l’histoire de l’éducation aux États-Unis notamment, et en particulier vers Horace Mann, secrétaire de l’éducation du Massachussetts, qui, selon lui, aurait cédé au « piège du modèle prussien ». Modèle qu’il a importé au milieu de 19ème siècle aux USA, au moment où d’autres, en Europe, comme Victor Cousin en France, en diffusaient les principes pour servir de modèle à la quasi-totalité des régimes politiques de l’époque.

Pour Shimon Waronker, en important un modèle, « Horace Mann a adopté des éléments du système prussien d’éducation — école obligatoire, séparation des enfants par classes d’âge, notes standardisées, mémorisation par cœur de la matière enseignée, centres de formation pour les enseignants, hiérarchie enseignant / principal / inspecteur / autorité de tutelle — qui tous concourent à un système paternaliste. Celui-ci dicte à un enfant ce qu’il doit penser, quand il doit le penser, et exactement la durée pendant laquelle (dans son emploi de temps) il doit le penser. Cela a paru longtemps efficace pour enseigner les contenus... Toutefois, nous pensons que Mann a commis une erreur car le système prussien a été conçu pour créer des citoyens soumis à l’Etat... L’exigence d’obéissance de la part des élèves [dans la salle de classe] créera des citoyens qui ne questionneront pas de manière critique ni ne penseront de manière indépendante. Cette obéissance coercitive qui renforce l’apathie de l’esprit est à l’opposé de l’idéal républicain ». [5]

Terrible contradiction pour l’école, qui doit répondre au désir explicite de former des citoyens libres, et à celui, implicite, de les domestiquer en les préparant à devenir de bons individus obéissants... Ce modèle prussien d’éducation est partiellement introduit en France avec la loi du 28 juin 1833 de François Guizot, lui-même conseillé par Victor Cousin, de retour d’une mission en Prusse. Il est curieux de noter qu’à cette même époque, l’enseignement simultané, inventé par les Frères des Ecoles chrétiennes, est validé par le ministère alors que l’enseignement mutuel, interdit par le pape quelques années plus tôt, est banni également des pratiques éducatives de l’enseignement public. On peut dire que tout est alors sous contrôle, ou presque. Oui presque, parce qu’il manque à ce système encore un élément pour qu’il soit en mesure de jouer efficacement sa fonction de contrôle du peuple : son caractère gratuit, universel et obligatoire. Guizot ne le décrétera pas, pour des raisons d’oppositions politiques diverses, mais c’est Jules Ferry qui prendra cette décision en 1882.

Ensuite, ce modèle prussien s’est développé aux Etats-Unis et dans tous les Etats qui ont adopté l’instruction gratuite et obligatoire. Et cette large diffusion explique pour certains chercheurs en éducation, comme Howard Gardner ou Ken Robinson, la faillite généralisée des systèmes d’éducation actuels. En effet, le paradoxe est par trop visible : on ne peut pas éduquer à la liberté en faisant l’impasse de la pratiquer en classe ! (Ou alors, on doit admettre que la liberté n’est pas une finalité de l’éducation).

Quelle alternative au modèle prussien, alors ?

Isaac Getz présente les réformateurs visionnaires du 20ème siècle, notamment Montessori et Freinet. Et dans sa présentation consacrée à Freinet, il fait référence en les citant, aux invariants que celui-ci a élaborés. Par exemple : ► Nul — l’enfant pas plus que l’adulte — n’aime être commandé d’autorité. ► Nul n’aime s’aligner, parce que s’aligner, c’est obéir passivement à un ordre extérieur. ► Nul n’aime se voir contraint à faire un certain travail, même si ce travail ne lui déplaît pas particulièrement. C’est la contrainte qui est paralysante. ► Chacun aime choisir son travail, même si ce choix n’est pas avantageux. ► Nul n’aime tourner à vide, agir en robot, c’est-à-dire faire des actes, se plier à des pensées qui sont inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas. ► Les acquisitions ne se font pas comme l’on croit parfois, par l’étude des règles et des lois, mais par l’expérience. Etudier d’abord ces règles et ces lois, en français, en art, en mathématiques, en sciences, c’est placer la charrue devant les bœufs. ► Personne, ni enfant ni adulte, n’aime le contrôle et la sanction qui sont toujours considérés comme une atteinte à sa dignité, surtout lorsqu’ils s’exercent en public. ► Les notes et les classements sont toujours une erreur.

Il est intéressant de remarquer, d’une part, combien cette liste pourrait constituer le cahier des charges de l’entreprise libérée, d’autre part, sa conformité partielle avec l’analyse sociologique de l’école que Durkheim proposait à la même époque : « L’homme que l’éducation doit réaliser en nous, ce n’est pas l’homme tel que la nature l’a fait, mais tel que la société veut qu’il soit ; et elle le veut tel que le réclame son économie intérieure. [...] Spontanément, l’homme n’était pas enclin à se soumettre à une autorité politique, à respecter une discipline morale, à se dévouer, à se sacrifier. Il n’y avait rien dans notre nature congénitale qui nous prédisposât à devenir les serviteurs de divinités, emblèmes symboliques de la société, à leur rendre un culte, à nous priver pour leur faire honneur ». [6]

LA THÉORIE DES MODÈLES

Dans un texte précédent, à propos des classes hétérogènes et des modèles d’organisation propres à ces structures, nous écrivions : « Les considérations historiques ou statistiques ne laissent que peu d’espoir aux classes hétérogènes, en dehors de la volonté de quelques rares équipes éducatives d’en faire le principe de fonctionnement pédagogique de leurs écoles. En précisant que leur efficacité ne dépend pas d’une quelconque qualité intrinsèque mais de la mise en œuvre consciente d’une pédagogie appropriée, assortie d’incontournables et précieux corollaires : la complexité, la recherche du sens, la coopération, la différenciation, le développement de l’autonomie, le droit à l’erreur et à la réussite, etc. ». [7]

Autrement dit, pas de modèle à imiter ni à adapter, mais un système à inventer... C’est ce que nous faisons au quotidien dans nos classes : inventer, à partir d’outils et de démarches, des moyens de susciter les apprentissages des enfants dans un espace de bienveillance et de démocratie vécue avec tous ses aléas, et donc construite et reconstruite jour après jour... C’est ce que relève Philippe Meirieu dans la présentation du fonctionnement de notre propre classe, où l’organisation a été seconde, puisqu’elle a été le produit des impératifs de la vie quotidienne, c’est-à-dire des moyens mis en œuvre pour accéder, par leur usage, à la maîtrise experte des outils de la pensée pour analyser la réalité ordinaire et agir sur elle en pouvant la penser et la transformer. « La pédagogie fait le pari de l’intelligence : en cherchant à subordonner l’organisation de la classe aux exigences des apprentissages et non l’inverse. Elle fait le pari de l’intelligence : en formant les élèves à « l’utilisation experte d’outils conceptuels ». Elle fait le pari de ¡’intelligence : en plaçant les enfants et les adolescents en situation d’acteurs dans des dispositifs qui les « tirent vers le haut ». Elle fait le pari de l’intelligence : en proposant aux élèves d’être « producteurs » de science et de textes et en incarnant, dans celle démarche, un niveau d’exigence qui contraint d’aller toujours plus loin vers l’intelligence d’eux-mêmes et du monde... ». [8]

On ne peut, en revanche, isoler l’invention du système de la finalité qui lui est attribuée. Autrement dit, selon l’objectif poursuivi par le système éducatif, les conditions d’enseignement et d’apprentissage, la nature des démarches, la philosophie qui les anime, etc., évolueront elles aussi. En effet, on ne peut ignorer que tout processus éducatif est toujours idéologiquement marqué ; comme l’écrivait Paolo Freire : « Aucune pédagogie n’est neutre. Elle est soit une arme de domestication, voire de déshumanisation, soit un outil d’émancipation ».

Ainsi, lorsque Frédéric le Grand, roi de Prusse, a décidé de mettre en œuvre un système éducatif « efficace », financé par le budget de l’Etat, son intention se bornait-elle seulement à l’acquisition du socle de connaissances de hase ! Telle était la demande explicite officielle, stipulée au ministre de l’éducation : « Il suffit qu ’en Prusse, les gens sachent un peu lire et écrire ; car s’ils en savent trop, ils s’enfuiront dans les villes et voudront devenir secrétaires ou employés de bureau. Pour cette raison, nous devons concevoir l’instruction des jeunes afin qu’ils apprennent ce qui est indispensable, mais ils doivent être formés de telle façon qu’ils ne fuient pas les villages mais y restent avec contentement ». On retrouve là le besoin fondamental pour le pouvoir central de contrôler, la nécessité de s’appuyer sur une structure, un modèle, pour domestiquer... Isaac Getz montre ensuite comment les Etats-Unis, en raison de leur extraordinaire développement industriel, n’ont jamais pu sortir du piège du modèle prussien : l’efficacité pragmatique de ce dernier (le contrôle) l’a toujours emporté sur la finalité qui aurait été de former de futurs citoyens libres, au raisonnement indépendant. Voici d’ailleurs ce qu’écrit Shimon Waronker à propos du système éducatif américain d’aujourd’hui : « Dans la plupart des salles de classe aujourd’hui, l’objectif (pas si) caché est le contrôle. L’enseignant décide de ce qui doit être enseigné, comment ce doit être enseigné et comment le travail doit être évalué. De plus, il décide comment les élèves doivent être assis... L’enseignant donne la permission aux élèves de parler... ha plupart du temps de classe est utilisé pour le monologue de l’enseignant... et souvent quand on donne l’opportunité aux élèves de parler, c’est pour répondre à une question... Les élèves sont ensuite testés sur ce que l’enseignant a présenté... La plupart des étudiants acceptent ce « jeu de l’école », et ils rentrent dans le moule ou sont apathiques en faisant le minimum pour passer. D’autres élèves remettent en cause ce modèle et sont réprimandés. Une part importante de la formation des enseignants, et ce n’est pas un hasard, porte sur comment gérer les comportements dans une classe. ». [9]

LE PIÈGE DES MODÈLES

Pour Isaac Getz, tous les dirigeants qui ont cherché à importer un modèle alternatif au modèle prussien ont échoué ! « Cela ne s’explique pas parce qu’un modèle en particulier essayé n ’est pas applicable ou était mal appliqué. La cause de ces échecs consiste dans l’emploi même d’un modèle ». [10] On doit en effet convenir que l’adaptation d’un modèle éducatif à l’échelle d’un pays ne relève pas seulement d’une quelconque action ou volonté politique, mais que cette « adoption » est assortie d’un ensemble complexe d’éléments, de paramètres, de sous-systèmes et d’interactions entre eux, qui justifient alors l’utilisation du mot système, entendu comme science complexe (des systèmes). Seront considérés comme fondamentaux et non transférables les paramètres liés à l’environnement dans lequel le modèle doit s’insérer, les spécificités du public auquel il prétend s’adresser, la résistance au changement, etc. Ainsi, le système finlandais, à l’efficacité généralement reconnue, aurait-il connu ces résultats exceptionnels uniquement parce qu’il ne se référait à aucun modèle standard et qu’il ne visait aucune efficacité particulière ! Alors, Richard F. Elmore, professeur à la Harvard School of Education pouvait déclarer : « Plutôt que la structure conditionnant la pratique, c’est la pratique d’enseignement qui conditionnera la structure ». [11] Plutôt qu’un modèle, il convient d’inventer la structure, à l’occasion de son propre fonctionnement ! Et Isaac Getz de conclure : « On ne peut pas « faire apprendre » quelqu’un d’autre. On peut seulement créer un environnement qui donne à l’autre l’envie et la possibilité d’apprendre par lui-même. Tenter de faire apprendre est une épreuve à la fois pour l’enseignant et l’élève. [...] Cependant, l’enseignant est l’acteur principal de la construction de l’environnement qui donnera à l’élève l’envie d’apprendre par lui-même, et la relation de respect, de bienveillance et de confiance qu’il crée avec l’élève en est la pierre angulaire. C’est cette relation qui fera que l’élève ira à l’école par envie et non pas par obligation. Et une fois sur place, l’élève donnera alors le meilleur de lui-même pour apprendre. On est bien loin d’un endroit qui le juge « mauvais » et qu’il déteste, à juste titre. Quant aux situations où de tels enseignants ne sont pas présents — davantage répandues qu’on est prêt à l’admettre — c’est bien la responsabilité de toutes les parties prenantes de ¡’école, ainsi que celle de la communauté locale, de créer cet environnement propice à l’apprentissage ». [12]

Getz pose les conditions d’un système éducatif alternatif qui trouve son efficacité, non dans un quelconque modèle adapté, mais dans son fonctionnement même : la relation de respect, de confiance et de bienveillance qui réunit enseignant et élève. Tout comme l’entreprise trouve sa libération dans la remise à plat des positions hiérarchiques des individus, l’école trouve son efficacité dans de nouveaux statuts à inventer entre les acteurs du système éducatif : on ne peut former des citoyens libres et démocrates dans un système éducatif qui ignore la liberté et la démocratie ! Tout comme l’entreprise libérée se donne comme finalité l’épanouissement de ses acteurs et collaborateurs, de même, dans l’éducation, ce même épanouissement peut-il passer du rang de simple conséquence possible d’une scolarité réussie (pour un individu) à celui de finalité première du fonctionnement du système (pour tous ses membres). C’est bien ce qu’incarne le concept de promotion collective développé par l’AFL : « La promotion collective se comprend mieux si on l’oppose à la réussite individuelle. Pour la réussite individuelle, les savoirs à acquérir sont ceux que la société reconnaît et valide, ceux dont la mise en œuvre reproduit et garantit l’ordre des choses. [...] La promotion collective réclame, elle, la réduction de l’inégalité sociale, la diminution des différences entre les statuts, une autre conception de la responsabilité qui remplace la hiérarchie ». [13]

Isaac Getz rejoint donc les positions qui sont les nôtres, à l’AFL : il convient de définir l’éducation, non à partir d’un modèle qui servirait de réfèrent et de cahier des charges, mais à partir de sa seule fonction, celle de « former de futurs citoyens libres, au raisonnement indépendant » ; la promotion collective d’une population tout entière représentant, à la fois, la cause, le moyen et le but de l’entreprise scolaire.

« Quel modèle éducatif »

[1L’école du 3ème type. Explorer un autre paradigme avec les enfants, Bernard COLLOT, Éditions du temps présent, 2017, 382 p.

[2L’entreprise libérée. Comment devenir un leader libérateur et se désintoxiquer des vieux modèles ?, Isaac GETZ, Fayard, 2017,472 p.

[3Liberté et Cie, Isaac GETZ et Brian Me CARNEY, Flammarion, 2016

[4« L’entreprise libérée », Élodie NEYRIAL, in LISERON, publication AFL 43, n°32, janvier 2017

[5Isaac GETZ, ibid. p.379

[6Emile DURKHEIM, Éducation et sociologie, 1922

[7« Gérer l’hétérogénéité en classe muitigrade », D. VACHELARD, A.L. n°139, septembre 2017

[8Philippe MEIRIEU, Préface de Transformer l’école, l’utopie du quotidien, Dominique VACHELARD, Chronique sociale, Lyon, 2008

[9Isaac GETZ, ibid. p.420

[10Isaac GETZ, ibid. p.423

[11Isaac GETZ, ibid. p.426

[12Isaac GETZ, ibid. p.448

[13« Pouvoir, savoir et promotion collective », Jean FOUCAMBERT, A.L. n°91, septembre 2005.