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« Réapprendre à lire : de la querelle des méthodes à l’action pédagogique »

Lu par Dominique GRANDPIERRE

RÉAPPRENDRE À LIRE : DE LA QUERELLE DES MÉTHODES À L’ACTION PÉDAGOGIQUE, SANDRINE GARCIA ET ANNE-CLAUDINE OLLER (EDITIONS DU SEUIL, 2015, 22€)

Il y a des livres qui, par le sujet qu’ils traitent et par la mauvaise foi qui les anime, méritent d’être lus. « Réapprendre à lire : de la querelle des méthodes à l’action pédagogique » de Sandrine Garcia et d’Anne-Laure Oller est de ceux-là. Toutes deux sociologues partent du constat que l’échec scolaire, et notamment l’échec en lecture, frappe beaucoup d’élèves issus des milieux populaires, dès le début de leur scolarité. Rien ne saura ensuite corriger ces échecs, qui obèrent, en général définitivement, la suite de leur cursus. La Gazette de Lurs [1] proposera une recension plus longue et plus circonstanciée de ce livre. Pour l’heure, arrêtons-nous à un thème développé dans le premier chapitre et qui met en cause des amis de la Gazette.

La position des auteurs est que, si l’école française n’arrive pas à conduire une partie des élèves à savoir lire, la faute en revient aux « linguistes » des années 1970. Ces conceptions « intellectualistes » feraient que les enseignants négligeraient aujourd’hui l’entraînement, la répétition, la technique, la lecture oralisée et survaloriseraient, au contraire, les démarches de découverte de la langue ou l’appropriation culturelle. Quatre pédagogues chercheurs, Hélène Romian, Eveline Charmeux, Jean Foucambert et François Richaudeau sont particulièrement visés par les auteurs. Il semblerait que c’est par leur engagement politique, au parti communiste, qu’Hélène Romian et Eveline Charmeux se seraient imposées à la tête du plan de rénovation du français à l’école élémentaire. Un petit rappel historique s’impose.

Tout a commencé en 1966, sous le ministère de Christian Fouchet, lorsque le Recteur Capelle, irrité d’entendre les professeurs de collège se plaindre de ce que, en sixième, un enfant sur deux ne sait pas lire, et découvrant que l’école vit toujours sous l’autorité des textes officiels de 1938, a chargé l’Inspecteur général Rouchette d’une mission d’étude de cette situation. Une commission est nommée, elle remet son rapport au début de l’année 1967 à Alain Peyrefitte, qui accepte alors la proposition. Mais, avant de publier ce rapport au J.O., Emile Rouchette souhaite que son texte soit, d’abord, validé par la base. Un appel d’offres est lancé par l’Institut Pédagogique National, auprès des Écoles Normales et des IEN. Hélène Romian, professeur à l’école normale de Douai, est nommée pour coordonner ce travail d’expérimentation et Eveline Charmeux, alors professeur à l’école normale d’Amiens, s’investit dans cette aventure. En fait, au gré des nominations des ministres, de consensus en consensus, le Plan de Rénovation de l’enseignement du français n’est jamais vraiment adopté. Comme coup d’état des « linguistes intellectualistes », on fait mieux ! Jean Foucambert, quant à lui, est accusé d’avoir des positions plus « politiques que linguistiques ». Pour proposer son apprentissage idéo-visuel de la lecture, il se serait inspiré d’une théorie de l’information américaine, importée en France par François Richaudeau. Il s’agit là d’une attaque indigne contre le créateur de la Gazette de Lurs. Un nouveau petit rappel historique s’impose.

En 1965, ignorant à cette date les travaux des chercheurs américains, curieux des règles de lisibilité, François Richaudeau monte un laboratoire d’études du processus de lecture. Et, il peut alors mesurer les mouvements oculaires au cours de la lecture. L’œil procède par points de fixations, retours en arrière et passages d’une ligne à l’autre. Il crée donc sa Méthode de Lecture rapide en 1966, en y incluant ses conceptions de lecture sélective, de lecture flexible et sa réflexion sur l’anticipation.

Soucieux de permettre à tous les enfants de s’approprier la maîtrise de la langue, Eveline Charmeux, Jean Foucambert et François Richaudeau ne pouvaient que se rencontrer. À la naissance du collège unique, la méthode Richaudeau vint bouleverser l’apprentissage de la lecture. Mais, elle est beaucoup plus qu’une méthode supplémentaire ! Avec elle, la lecture a quitté définitivement le domaine des simples outils, techniques, habiletés, mécanismes préparatoires à l’acquisition des connaissances. Elle est une activité culturelle et intellectuelle de haut niveau accessible à tous les enfants.

Décrire Hélène Romian comme un khmer rouge de la rénovation pédagogique, Sandrine Garcia et d’Anne-Claudine Oller ne s’en privent pas tout au long de ce premier chapitre. Après avoir fait de François Richaudeau un plagiaire, pourquoi pas ? La démonstration de leur thèse en est-elle plus convaincante ?

« Réapprendre à lire : de la querelle des méthodes à l’action pédagogique »

[1En publiant cet article, La Gazette de Lurs, Fanzine de François Richaudeau, a tenu à réagir aux attaques des auteurs du livre qui, visiblement, ne maîtrisent ni leurs sources ni la pédagogie de la lecture.