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« Peut mieux faire » (Jean-Baptiste Alméras)

Lu par Monique MORET & Yves-Marie ACQUIER

« PEUT MIEUX FAIRE, MON ENFANCE VUE PAR L’ÉDUCATION NATIONALE », JEAN-BAPTISTE ALMÉRAS, ÉD. ATTILA 2013, 48 p., 4€

Jean-Baptiste Alméras a une maman qui a consciencieusement gardé tous les bulletins scolaires de son fils. Tristes bulletins ! Non que Jean-Baptiste fut un mauvais élève. Apparemment ni pire ni meilleur que bien d’autres. Mais tristes bulletins au regard des enseignants qui ont vu « passer » cet élève dans leur classe. Ses bulletins, Jean-Baptiste Almeiras devenu libraire, puis artiste, les publie sans aucun commentaire. Seule, une agréable mise en page permet d’en avoir une lecture vivante.

« Généralement de bonne humeur », « attentif », « bon camarade » en maternelle, il devient un élève aux « résultats faibles », voire « insuffisants » même « très insuffisants » en Terminale A2, après avoir été « parfois agité », mais « vivant » quoique « une véritable girouette » en 6ème et carrément « nul » en 3ème...

On y apprend que l’Éducation nationale « attend » mieux de lui, par la voix d’un de ses enseignants du lycée.

Une fois seulement, en 6ème, un professeur semble s’adresser à lui : « résultats satisfaisants que vous pouvez améliorer en travaillant davantage ». Mais attend-il une réponse ? Jamais la parole de l’élève n’apparaît ! Quel pauvre vocabulaire ont-ils, ces enseignants ! Combien de fois écrivent-ils la même chose sur les bulletins de leurs élèves ? Combien de temps passent-ils à les remplir ces bulletins ? Et à quoi servent-ils, ces bulletins qui sont envoyés chaque trimestre dans les familles ? Rédigés par les enseignants, ils le sont à l’adresse des parents (pour en faire quoi ? Pour que les parents agissent contre leur enfant ?) et aussi (et peut-être surtout !) pour les archives de l’Institution...

Quelle vengeance paraissent vouloir assouvir ces professeurs ? Contre qui en ont-ils ? Ils semblent régler leurs problèmes avec l’Institution par le biais de leurs élèves qui subissent eux aussi...

La vengeance, c’est lui, cet élève qui « n’aime pas écrire », qui l’a eue finalement, en publiant ces écrits dont il n’a écrit aucune ligne ! C’est ce que pense aussi François Morel en signant une chronique dans Le Monde du vendredi 3 mai : « ...signer un livre [...], retranscrire des annotations répétitives, insignifiantes, impersonnelles, dénuées de toute imagination pour les transformer en projet littéraire, franchement, on ne peut pas tellement mieux faire ! »

C’est le moment de penser à une autre évaluation du travail et des résultats des élèves. Monsieur le Ministre, vous n’en avez pas terminé avec la refondation de l’École !

Monique MORET

Le thème central de cet ouvrage est simple, il s’agit de « la retranscription fidèle » du dossier scolaire de l’auteur... Ce dernier et l’éditeur se sont autorisé deux interventions susceptibles de modifier le sens des appréciations :

• l’absence d’indication des disciplines, pour la partie secondaire,

• l’usage de polices de tailles différentes, mettant l’accent sur certaines appréciations... remarquables.

Heureusement, l’usage d’un outil comme le logiciel Idéographix permet d’annuler au moins un de ces effets : celui des différentes polices. Il permet par ailleurs de mesurer scientifiquement un certain nombre de faits et de prendre conscience de quelques tendances. Par exemple, en observant les seules années du socle commun, soit les années de maternelle et de scolarité obligatoire...

Fait 1

L’outil « Statistiques » du logiciel mesure que, pour décrire ces années, 1 571 mots ont été nécessaires, ou ont suffi. Sur ces 1 571 mots, on trouve 449 mots différents (des vocables, donc). C’est à dire que chaque vocable est répété en moyenne 3,5 fois... Sur ces 449 vocables, 74 sont des mots de base, figurant donc parmi les 100 mots les plus utilisés par la langue écrite française (ce sont des mots-outils pour la plupart, et qui ne portent pas de sens). Ces 74 mots de base représentent tout de même 40,71% de l’ensemble du texte ! Il reste donc 59,29% de vocables porteurs de sens, soit 375 mots, ou 31,25 mots par an, ou 3,125 par mois... Chaque phrase comporte, en moyenne, 4,88 mots.

Première conclusion : il est économique de décrire un parcours scolaire de 12 années.

Fait 2

L’outil « Dictionnaire des occurrences » montre que les mots « travail », « trop », « résultats » et « bien » apparaissent respectivement 36, 33, 26 et 23 fois. Le travail de Jean-Baptiste Alméras est donc évoqué 3 fois par an en moyenne. Au vu des mots qui suivent, on pourrait s’attendre qu’à chaque fois, le commentaire soit : « résultats trop bien »... Mais... car il y a un mais. Il y en a même 23, autant que de « bien ». Notre hypothèse peut maintenant devenir : Du travail, mais résultats bien trop... Bien trop quoi ?...

Deuxième conclusion : les apparences peuvent être trompeuses.

Fait 3

Le même outil permet de comptabiliser les points d’interrogation. Ils apparaissent 24 fois, soit deux fois par an en moyenne. Que cachent-ils ? Ou plutôt, que précèdent-ils ?
Manque de soin : 1 fois ...
bavard et joueur : 1 fois
Il est déjà en classe de neige : 1 fois
Peut sûrement mieux faire : 1 fois
Il doit en faire autant chaque jour : 1 fois
Trop de dispersion aussi : 1 fois
Réussirait mieux en se concentrant plus : 1 fois
Les résultats sont nettement moins bons : 1 fois
Il doit se ressaisir rapidement : 1 fois
C’est dommage : 2 fois
Attention, Attention pour l’an prochain, Attention il faut réagir : 3
Il faut attendre longtemps avant de trouver « Continuez ! ».

Ouf... un encouragement.

Troisième conclusion : le livret de compétences n’était pas encore utilisé du temps de la scolarité de Jean-Baptiste Alméras.

Fait 4

Avec l’outil « Dictionnaire alphabétique », nous découvrons que le dernier mot de cette liste est : zézaiement ! Ce mot nous évoque immédiatement Zazie et Queneau.

Quatrième conclusion : il semble que Jean-Baptiste Alméras et Zazie aient des idées proches quant à la fonction de l’école.

Yves-Marie ACQUIER
« Peut mieux faire » (Jean-Baptiste Alméras)