Dossier L’habitat, SON habitat... le comprendre, l’investir, y agir... l’habiter !

« Le programme d’enseignement de la géographie en 6e, place aux acteurs »

Annie JANICOT

Les programmes avant 2009 et aujourd’hui Les programmes de géographie mis en œuvre actuellement en classe de 6e datent de 2009, ils ont pour maître mot « habiter », pas « l’habitat », mais le verbe « habiter ». Après avoir situé l’espace proche de l’élève et observé la répartition de la population mondiale (35% du temps), les 4 axes sont habiter la ville, habiter le monde rural, habiter les littoraux et habiter les espaces à forte contrainte (60% du temps). D’entrée de jeu, il faut signaler que le programme de géographie croise une partie du programme d’éducation civique, le point 3 (environ 30% du temps consacré à l’éducation civique) : l’habitant. L’organisation politique est traitée, mais aussi le rôle des acteurs locaux, individus et associations.

Les programmes antérieurs dataient de 1996 [1], ils étaient ainsi composés avec l’objectif de mettre en évidence les mécanismes de l’action des hommes sur leur espace :

► Les grands repères géographiques du monde (+ ou – 50% du temps) : la répartition de la population mondiale, les grands domaines climatiques et biogéographiques, les grands ensembles de relief.

► Les grands types de paysages (+ ou – 50% du temps) : des paysages urbains (un littoral touristique méditerranéen, un littoral industrialisé, une métropole d’Europe, une métropole d’Amérique du Nord, une métropole d’un pays pauvre) ; des paysages ruraux (un delta rizicole en Asie, une exploitation agricole en Amérique du Nord, un village d’Europe, un village d’Afrique), des paysages de faible occupation humaine [2].

Les programmes de 2009 se veulent « renouvelés » [3] : « ils situent clairement la géographie dans le champ des sciences sociales et humaines ; ils sont recentrés sur les territoires (place accordée aux territoires de proximité, aux habitants et aux acteurs des territoires étudiés, approche dynamique de ces territoires) ».

Cette évolution repose sur les analyses de chercheurs comme Laurent Cailly [4] : « Avant, les individus étaient considérés comme des quantités, on commence dès lors à considérer même les acteurs ordinaires comme capables d’agir sur les espaces tout comme les acteurs politiques par exemple. L’habiter doit être appréhendé comme une pensée globale du mode d’occupation de l’espace par les individus ». Pour en savoir plus, lire la présentation de l’EPI (...) qui précise

► que les évolutions récentes de l’habiter renvoient à la manière d’appréhender les dimensions spatiales des sociétés humaines (L’habiter comme pratique des lieux géographiques, Mathis Stock). ► que la question des mobilités vient modifier les pratiques de l’habiter (...) ► que l’habiter revient à considérer qu’être soi-même dans le monde implique la construction réfléchie des habitants, de leur cohabitation et de l’espace habité (Olivier Lazzarotti [5] ).

De nouvelles démarches, des capacités « surplombantes »

Pour atteindre ces objectifs, les enseignants sont invités à mettre en œuvre de nouvelles démarches, notamment la démarche inductive, s’appuyant sur des études de cas [6], et sur « un enseignement vivant, concret, qui favorise la réflexion tout en suscitant l’intérêt des élèves ». Ils sont également invités à trouver un équilibre entre la parole du professeur (qui comprend le récit outre le cours), la place des documents, jugés trop nombreux dans la période précédente, et l’activité des élèves dans les domaines de l’écrit et de l’oral, l’ensemble des enseignements contribuant à « l’apprentissage de la maîtrise des langages au collège ». Voir notamment cette fiche ressources : Comment faire maîtriser l’expression écrite et orale par chaque élève ? sur Eduscol [7]. On peut regretter que la fiche sur l’usage des nouvelles technologies oriente, elle, très majoritairement vers des sites-ressources, négligeant les outils de production et publication.

Le site d’accompagnement des enseignants, Eduscol, met à leur disposition des ressources complémentaires. L’une d’elles décrit les capacités à développer chez les élèves... Les capacités sont de trois ordres : la maîtrise progressive des langages –oral, écrit, images– avec une place particulière accordée au langage cartographique, le développement d’une activité intellectuelle autonome et la maîtrise de l’espace (localiser et situer). Les deux premières capacités, sans lesquelles aucune autre ne peut être construite ou évaluée, peuvent être qualifiées de « surplombantes ». (...) La première de ces capacités apparaît dans les programmes sous différentes formes, de la description, celle d’un paysage par exemple, à la construction d’un discours explicatif et/ou argumentatif (expliquer à autrui à l’oral et à l’écrit..) en passant même par le récit que la géographie permet de développer aussi bien que l’histoire : raconter à autrui, à l’oral ou à l’écrit un itinéraire, le trajet d’un migrant en employant un vocabulaire adapté... L’élève n’écrit pas pour écrire et ne parle pas pour parler mais pour transmettre une information une explication, une analyse. (...) L’accent a (...) été mis sur les conditions d’une réelle mise en activité intellectuelle de l’élève en le confrontant à une situation du quotidien ou à un enjeu plus vaste, afin qu’il pose et se pose des questions, formule des hypothèses et cherche à y apporter des réponses. L’accession à l’autonomie intellectuelle de l’élève passe, entre autres, par cet entraînement permanent au questionnement ouvert et critique. (...) Localiser et situer... Localiser c’est répondre simplement à la question « où ? ». (...) Situer répond aussi à la question « où ? » mais en y ajoutant « par rapport à qui ou à quoi ? ». (...) Il ne s’agit plus simplement, pour reprendre un des exemples précédents, de localiser le collège au nord de la ville mais d’évaluer la distance qui le sépare du centre, de constater par exemple qu’il est proche d’une ZAC, en bordure de l’espace urbanisé et donc déjà de comprendre un peu « pourquoi là ? », autre question fondamentale de la géographie. »

Études de cas et analyses comparatives

Prendre appui sur des études de cas contribue à viser le développement de ces capacités. L’approche est ainsi précisée en liaison avec les démarches proposées dans les programmes reproduites ci-après. « L’étude de cas met en lumière les spécificités du territoire étudié mais l’analyse doit aussi parvenir à identifier de grandes caractéristiques propres au thème auquel il se rattache. C’est l’une des raisons qui ont amené les concepteurs du programme à prévoir deux études de cas pour les thèmes « habiter la ville » et « habiter le monde rural » qui offrent la possibilité d’une étude comparative : Comment vit-on ici et ailleurs ? À quoi tiennent les différences entre deux lieux d’une même « famille » ? La conduite comparée de deux études de cas rend ainsi plus aisée l’identification d’invariants, des caractéristiques communes et des différenciations d’un lieu à l’autre. C’est par l’observation et l’analyse comparative que se construisent progressivement un petit nombre de notions : urbanisation, centre et périphérie, réseau, contrainte qui sont à la base du savoir géographique et sont transférables à d’autres espaces, même si ceux-ci sont méconnus. »

Le programme de géographie en 6e, démarches :

Des problématiques pour traiter l’« habiter la ville »

Voici ce que propose le texte des ressources complémentaires 8 : « Habiter la ville » s’organise à partir de deux études de cas conduites à l’échelle infra urbaine. Quelles que soient les villes retenues, l’approche se veut concrète, centrée sur la diversité des modes d’habiter la ville. L’étude s’attache ainsi au logement, à la rue, aux quartiers, mais également aux mobilités, aux activités ainsi qu’aux lieux de sociabilité, en un mot aux conditions de vie des habitants. Elle ménage évidemment une place à l’architecture et à l’urbanisme et englobe la réflexion sur ce que peut être aujourd’hui un développement urbain durable. La démarche s’appuie sur des paysages et des plans ; elle s’ancre également dans le vécu des habitants, à travers récits et témoignages qui disent la vie telle qu’elle est. »

Pour mémoire, n’oublions pas qu’« en éducation civique] 9, [l’apprentissage des règles qu’implique la vie en société passe par une approche à la fois plus cohérente et plus concrète, tout en faisant davantage appel à la réflexion. Plus que sur les appellations des thèmes, le renouvellement des programmes porte sur les problématiques qui les fondent. Le fondement du programme de sixième est une réflexion sur les manières dont se construit l’individu, dans le cadre du collège, dans un environnement familial, dans un territoire. Il accorde aux territoires proches et aux acteurs une place propice à des rapprochements fructueux avec les nouvelles perspectives de la géographie. »

Du côté des démarches, « Ce thème est abordé par une étude de cas : visite à la mairie et rencontre avec un élu, projet municipal, enquête publique. L’étude d’une association, ses missions et son implication dans le quartier peut être le point de départ d’une réflexion sur le rôle des habitants. On étudie l’agenda 21 de la commune (ou celui d’une autre commune) afin de montrer les actions mises en place pour le développement durable et comment chacun peut y participer. » (id.)

Et voici comment Véronique Blua 10, IPR d’histoire-géographie dans l’académie de Grenoble, déploie la notion (15 juin 2009), en mots et sous forme d’un schéma :

Habiter et habitation. Habiter, c’est avoir sa maison dans un lieu. Types des habitations (habitat groupé, dispersé, pavillonnaire, collectif ).

Habiter c’est « pratiquer les lieux » c’est donc s’intéresser à leurs fonctions et aux activités humaines productrices d’espace. Le rôle des acteurs spatiaux est primordial.

Habiter et mobilité. Habiter c’est aussi bouger. L’enseignant doit donc s’intéresser aux mobilités, aux déplacements d’un lieu à un autre, mais aussi aux infrastructures, aux axes, aux réseaux.

Habiter et représentations (espace vécu, perçu, représenté). Habiter, c’est percevoir l’espace, se le représenter et lui attribuer des valeurs (affectives, culturelles, etc.), en référence à l’« espace vécu ».

Spatialiser l’habiter. Le risque est grand que les élèves n’aient qu’une appréhension fragmentée de l’espace. L’enseignant doit donc leur faire comprendre les logiques d’organisation des espaces habités, les territoires étudiés.

Habiter, c’est aussi habiter avec les autres, c’est-à-dire « co-habiter », « co-exister » : partager un espace au sein d’une société. Les individus, les groupes sociaux, sont des acteurs spatiaux qui investissent, créent des territoires juxtaposés et en interrelation. Être habitant d’un lieu, c’est être solidaire d’autres lieux, aucun lieu n’est un isolat. « Ce qui se passe ici vaut pour là-bas et au-delà encore ». Le lien est évident avec l’éducation civique.

Ci-dessous, essai de synthèse de la notion d’habiter appliquée à l’enseignement : le système habiter

« Le programme d’enseignement de la géographie en 6e, place aux acteurs »

[1Voir ici

[3Présentation et orientations : Programmes BO spécial n°6 du 28 août 2009. (http://cache.media.eduscol.education.fr/)

[6cache.media.eduscol.education.fr/ et www.trannoy-condorcet.com