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« Apprendre à lire pour apprendre » Jean-Pierre Lepri

Lu par Thierry OPILLARD

APPRENDRE A LIRE POUR APPRENDRE, JEAN-PIERRE LEPRI, ÉD. MYRIADIS, 2016

Jean-Pierre Lepri, parallèlement à ses fonctions d’inspecteur de l’Éducation nationale, avait créé une association, Voles Livres, qui a publié dans les années 80-90 un grand nombre de fascicules et d’ouvrages tournant autour de la lecture, de son apprentissage et son enseignement.

Apprendre à lire pour apprendre est la reprise en fac-similé des actes d’un stage national de l’Éducation nationale, organisé en deux temps, en décembre 1994 et en mai 1995, à Saint-Germaln-du-Mont-d’Or (69650), à destination de soixante-dix enseignants et formateurs. Les stagiaires ont travaillé à partir de communications directes, de textes écrits pour l’occasion ou de synthèses de textes, notamment de publications Voies Livres.

L’ouvrage comprend quatre grandes parties : ► Lire : quel est le processus de l’acte de lire ? ► Apprendre à lire : comment apprend-on cet acte ? ► Enseigner : sur quoi fonder et organiser l’enseignement de la lecture ? ► Pratiquer : des activités parmi d’autres. Complémentaire de l’ouvrage Lire se livre, du même auteur (cf. Les Actes, p.15 : education-authentique.org/uploads/PDF_DIV/LSL_Actes.pdf ), Apprendre à lire pour apprendre est un témoignage historique de l’effervescence intellectuelle d’une époque, les années 80-90, où beaucoup de gens s’intéressaient à la lecture, aux lecteurs, à la pédagogie.

Vingt ans après la parution de La Manière d’être lecteur, de Jean Foucambert, véritable séisme qui a ébranlé la croyance généralisée en l’alphabétisation, cet ouvrage témoigne de comment la linguistique, la psycholinguistique, la pédagogie sont travaillées à l’époque par cette pensée révolutionnaire. Il témoigne de l’effort fait par certains penseurs et praticiens pour déconstruire le paradigme oraliste, cette pensée dominante pour laquelle tout part du verbe et tout arrive au verbe.

Aujourd’hui, quarante ans plus tard, cette effervescence semble considérablement retombée, presque anachronique, à l’heure où le rouleau compresseur réactionnaire a fait et fait encore son œuvre ; à l’heure où « la question de la lecture est réglée » depuis le ministre Robien ; à l’heure où les pédagogues, c’est-à-dire les gens intéressés à réfléchira comment on peut aider à apprendre, sont étiquetés avec mépris de « pédagogistes » et rejetés avec tous les progressistes dans les oubliettes de l’historiographie dominante. Et ce, au grand soulagement de nombre de parents et d’enseignants qui voyaient d’un mauvais œil ces empêcheurs d’alphabétiser en rond.

Cependant, pour être positif et optimiste, cet ouvrage permet aussi de mesurer comment, à l’AFL, cette déconstruction du paradigme alphabétique a muté vers la construction d’un autre paradigme, celui de la lecturisation. Les travaux des années 90 et 2000 ont amené l’AFL à développer des concepts plus globaux, moins pris dans les querelles des méthodes, puisque les enjeux vont bien au-delà du seul choix d’outils. Ainsi, l’exploration approfondie des rapports entre la lecture et l’écriture, la notion d’apprentissage linguistique de l’écrit, l’inscription de l’accès à l’écrit dans la problématique plus générale de l’accès aux langages, amènent à concevoir la lecture comme la déclinaison d’un comportement humain plus général : un traitement projectif, statistique, stratégique, de haut niveau, d’une situation complexe vs un comportement réactif pavlovien de bas niveau de transcodage d’une langue (l’écrit) dans une autre (l’oral).

Cet ouvrage pose de solides prémisses au concept de lecturisation.

Présentation plus détaillée : education-authentique.org/uploads/PDF_DmLA_PresentationA.pdf

« Apprendre à lire pour apprendre » Jean-Pierre Lepri