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« L’entraînement ou le ring imaginaire de la vie : Jean-Marc Mormeck, champion du monde de boxe en parle »

Yvanne CHENOUF et Marie DIAZ

La lecture que nous promouvons ne vise pas une pratique amatrice et dilettante (même si elle l’inclut) mais une activité supérieure alliant des objectifs précis à des compétences multiples. Il faut, pour être lecteur, autant de bonnes raisons que de technique : l’apprentissage, aussi bien social (être intégré dans un groupe de lecteurs) qu’individuel (acquérir et aguerrir son regard) nécessite un entraînement de haut niveau tel que le pratiquent les champions, les virtuoses, les performeurs. Quand la lecture est limitée à un plaisir léger et contagieux, comment populariser l’enchaînement d’exercices déconnectés de la pratique ? Nous avons décidé d’en parler avec ces adeptes de l’entraînement que sont les athlètes, les musiciens et les acteurs qui se soumettent à des séries de gammes, d’essais, de répétitions pour des instants d’émotions fugaces. Où puisent-ils leur détermination et quels arguments utiliseraient-ils pour valoriser l’entraînement ? Nous avons rencontré le boxeur Jean-Marc Mormeck au ministère des Affaires Etrangères pour sa double compétence de sportif (six fois champion du monde dans la catégorie lourd-léger) et de délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’Outre-mer. Derrière le champion, l’homme d’affaires, le politique, c’est d’abord avec le gamin de Point-à-Pitre exilé à 6 ans du « pays où il faisait toujours beau » vers la froide métropole (Bobigny) que nous avons eu rendez-vous. Puis, c’est en technicien que le champion a évoqué les moyens de transmettre la lecture et ses finalités à des jeunes rebutés par son exercice.

L’homme parle avec douceur de ce qu’il a appris de la vie (détermination, confiance, altérité). Quand il décrit un entraînement, il évoque une entreprise extrême, collective et reliée à un objectif puissant mais surtout il refait le fil de sa vie avec émotions : imprégnés de morale sportive et de bon sens proverbial, les mots disent les raisons de monter sur un ring, d’atteindre les sommets et de promouvoir la boxe et ses valeurs. Au ministère, comme dans la réserve citoyenne dont il fait partie, le champion est un citoyen qui aide les jeunes à lutter contre l’injustice dont il a été très jeune conscient.

Repousser ses limites

L’entraînement, c’est une rencontre avec soi, ses désirs et ses potentialités. Une pratique individuelle que Jean-Marc Mormeck relie à la condition humaine en utilisant des pronoms globalisants (vous, on) : « Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt donc vous vous levez tôt. Vous arrivez le matin, vous avez un staff autour de vous, certains ont encore une partie de leur nuit dans les yeux mais on est tous décidés. Je me concentre pour aller faire ce que me dit le préparateur : un tour, deux tours de piste et les exercices deviennent de plus en plus brutaux, accélèrent le cœur au fur et à mesure. Le jour n’a même pas commencé et vous fixez ce rêve qui vous rappelle ce que vous faites là : devenir champion du monde.

Vous résistez vous repoussez les limites de la douleur parce que, face à l’adversaire, vous n’aurez pas le droit de montrer vos faiblesses. Alors, même si vous suffoquez vous persévérez parce que c’est à ce moment qu’il va falloir accélérer pour être le plus fort et que l’autre se dise « Je ne pourrai pas gagner ». Vous recommencez l’entraînement l’après-midi. Après la condition physique (la course, l’explosivité), vous faites ce qui est spécifique (le combat, la corde, le sac, la frappe). Marteler le corps, l’endolorir pour qu’il n’ait plus mal. Vous répétez ces entraînements, vous êtes content de les faire parce que chaque fois vous repoussez vos limites et vous vous dites « Je vais gagner parce que j’ai tout fait bien. ». Le jour du combat le corps a été structuré comme un dessin. Vous attendez dans un couloir sans savoir ce qui va vous arriver. Vous entendez le public appeler, la peur vous prend. Une voix dit « N’y va pas » et une autre « Tu vas être le plus fort ». C’est votre tour, on vous met les gants. Vous êtes en sueur : un peu de peur, un peu de joie, savoir qui est le meilleur. La peur dit « Il faut que tu restes un héros, on compte sur toi ». Sur le ring, vous essayez de ne pas regarder le public, vous vous fermez dans votre bulle pour visualiser ce que vous êtes en train de faire. Si mon adversaire me bat, qu’est-ce que je vais faire après ? Quand le gong sonne, vous ailez être libéré et vous vous jetez au combat.

Se fixer un but et le garder

Jean-Marc Mormeck déroule sa carrière, moins par fierté ou par nostalgie que pour donner un sens à son parcours et en extraire les fondamentaux : l’écoute, le travail, l’échange avec les autres... « En 1998 je deviens champion de France mais je suis si prétentieux que je ne fais pas l’Europe et comme j’ai commencé tard (15 ans), je veux rattraper le temps. Le championnat du monde arrive. J’affronte une légende (Virgil Hill) qu’aucun Français n’a vaincu. Personne n’y croit. Je gagne avant la nuit. Derrière, je fais 9 championnats du monde. Comme l’appétit vient en mangeant, je réunifie les fédérations pour être le plus fort au monde dans cette catégorie. Pourquoi ? Mac Tyson qui assommait ses adversaires en quelques secondes, pleurait avant de monter sur le ring. Son entraîneur lui dit : « Le héros a aussi peur que le lâche mais il fait un pas en avant quand le lâche en fait un en arrière. Qu’est-ce que tu veux être ? » Moi, j’ai toujours voulu être un héros. Donc, je savais pourquoi je montais. Les rêves m’ont construit : j’ai vécu dans ma tête. Si vous êtes RMIste et que vous vous dites « un jour je prendrai un train j’irai en vacances », si vous mettez chaque mois 30 € de côté, vous partirez parce que ce rêve vous le vivez intérieurement. Si on croit à quelque chose, on est connecté à une force. Je crois en ça : travailler (il martèle poing sur la table), faire ce qu’il faut pour ne pas avoir de regrets. Il y a trop de gens aigris qui n’ont pas réalisé leurs rêves parce qu’ils n’ont pas osé. On ment aux autres mais pas à soi-même. Si on n ’a pas réussi, c’est qu’on n’a pas voulu ».

Être quelqu’un

La boxe naît souvent sur un terreau de douleur, de vengeance et de rédemption. Jean-Marc Mormeck a récolté, sur le ring, des blessures spectaculaires moins fortes que celle qu’il évoque spontanément : « J’étais avec ma mère et ma grand-mère, au pays, on vivait bien. Il faisait beau, c’était plus ou moins le paradis et un jour on m’a dit « Ton père veut te voir ». J’avais 6 ans, j’ai dit chouette, je vais aller en métropole, je vais prendre cet oiseau de fer immense et puis, au retour, je pourrai raconter ce qui s’est passé. Je suis parti rejoindre cet homme que je n’avais jamais vu et je suis revenu à 17 ans. J’avais perdu toute connexion avec ma mère, je n’ai jamais eu d’écrit d’elle. Comment m’intégrer dans une famille que je ne connaissais pas ? J’étais sensé retourner, je ne retournais pas et le temps passait lentement. J’étais triste, je pleurais et je me rappelais ma grand-mère qui m’emmenait à la messe. C’était une fête. J’étais émerveillé par ce vivre ensemble, ces gens en harmonie et j’avais tout perdu ; on m’avait abandonné, alors je me suis dit que je serai quelqu’un pour leur faire payer ».

Accepter les règles du jeu

Les plus fortes déterminations sont peu de choses sans le soutien collectif. Jean-Marc Mormeck n’a pas oublié les maîtres qui ont jalonné son parcours en montrant autant d’exigences que de confiance : « Mon père avait été footeux. Comme on s’entendait bien là-dessus, on regardait des matchs ensemble. Un soir, je me suis levé, il regardait un match de boxe fabuleux, un des trois plus violents de l’histoire. Je reste devant la télé et je vois un type qui dégagé* quelque chose et je me dis « Je veux être ce type ». C’était Marvin Hagler (contre Thomas Hearns). Ce type est blessé à l’arcade, à deux doigts de perdre, on lui donne une chance, il se jette sur son adversaire et il gagne. Je me suis dit que dans la vie tout était possible, qu’il fallait se battre jusqu’à la dernière minute : « Je veux être ce type mais dans l’élégance, dans son fonctionnement ». Je me suis battu en étant sérieux : je suis devenu boxeur. La première fois que je suis allé au club, je sortais de l’école et, comme pour moi rien n’était important ou parce que je suis Antillais, toujours en décalage horaire, j’étais en retard. Les autres étaient déjà à l’entraînement. Je suis entré dans les vestiaires comme si j’étais che% moi mais l’entraîneur m’a dit :

 Tu es en retard les autres ont commencé donc tu t’entraînes pas.
 Ben je rentre chez moi.
 Tu fais partie de ce club ? Alors, il faut t’entraîner en même temps que tout le monde. Donc tu restes là et tu regardes les autres, si tu rentres chez toi tu ne reviens pas.

Je ne pouvais rien tenter ils étaient plus forts que moi mais je suis resté parce que je voulais faire ce sport. Je suis venu tous les jours à l’heure, même avant, et, en un an, c’était moi qui faisais réchauffement parce que j’avais compris qu’ils m’avaient fait confiance. J’ai rencontré un entraîneur qui m’a endurci. Il était plus fort, plus expérimenté et je prenais des coups pas possibles. Je pensais qu’il ne m’aimait pas. Un jour que j’avais prévu de lui casser la gueule, il m’a dit : « 11 n’y a pas d’amis dans ce sport. Si tu veux être fort il faut travailler. Je mets les gants parce que tu as des qualités. Tu seras champion ». A un moment, je le faisais régulièrement tomber alors que j’avais du respect pour lui, je ne voulais pas lui faire mal. C’est lui qui m’a dit : « C’est le moment de changer de club pour devenir ce que tu veux être. En 2002, j’étais sur une super affiche. J’ai pensé à Aznavour : « J’me voyais déjà... ». Personne n’a cru en lui, il était petit et aujourd’hui c’est le plus grand. Je l’ai vu en répétition, je me suis assis à côté de lui comme un enfant alors que j’étais champion du monde. Il chantait « Hier encore... », l’histoire de tout homme. J’ai dit : « Est-ce qu’il faut avoir vécu ces choses pour les chanter aussi bien ? » Il m’a dit : « Heureusement que non sinon je ne serai plus là ». J’avais honte de lui avoir dit ça.

Le cérémonial de l’entraînement

Pour Jean-Marie Mormeck, l’entraînement, c’est la mise de compétences multiples au service d’un seul pour le même objectif. Il sait ce qu’une réussite individuelle doit à un bon tutorat : L’entraînement, c’est comme un orchestre. Tout le monde sait jouer d’un instrument mais c’est le chef d’orchestre qui donne le ton pour que l’émotion passe. Donc un entraîneur, c’est celui qui a l’énergie et la stratégie. Dans la boxe, c’est un bookmaker qui choisit avec vous l’adversaire qui se rapprochera le plus du style de votre adversaire, comme un clone, pour travailler au plus près la technique que vous voulez employer. La philosophie, c’est de faire le combat avant le combat, d’intérioriser. On choisit son équipe et on converge tous dans la même direction en (s)expliquant ce qu’on veut faire.

Transmettre

Loin des lumières du ring, nombreux sont les champions qui sombrent. Jean-Marc Mormeck a su se reconvertir dans le milieu de la boxe tout en se consacrant aux jeunes en difficulté qu’il connaît bien : La banlieue m’a fait grandir. Sans elle, je n’en serai pas là. Donc j’ai décidé de faire le lien avec les jeunes démunis économiquement parce que je sors du même milieu, je suis traducteur de ce qu’ils voudront, de ce qu’ils pourraient, de ce que je peux leur proposer. Toujours se dire que c’est possible. Si on vient dans ce monde pour repartir sans que personne ne sache que vous avez existé à quoi ça sert ? Donc ce passage, il faut le faire positivement et ensemble. Peu importe la nationalité et la culture. C’est frustrant quand vous avez les capacités et que personne ne les reconnaît. Dans un même pays on ne se comprend pas parce qu’il y a trop de codes : je trouve ça injuste. Il faut trouver les moyens d’attirer, de faire réfléchir. Les mots justes font changer n’importe qui. Il y a quelques mois, dans le cadre de la réserve citoyenne, je vais dans une école où les enfants sont exécrables avec leurs enseignantes. Ils font de la boxe pour les valeurs et pour canaliser les énergies. Je demande à deux petites filles très réservées si elles aiment la boxe et elles me répondent qu’elles ne viennent jamais parce que ça fait mal. Je leur dis que tant qu’on n’a pas mangé un gâteau on ne peut pas savoir s’il est bon et je leur demande si elles pensent mieux sauter à la corde que moi. Elles répondent : « Bien sûr ! ». Je ne leur ai pas demandé de sauter vite, juste de ne pas s’emmêler les pieds pendant 30 secondes et je me suis mis à sauter, à danser, à faire plein de trucs (j’ai passé toute ma vie à sauter à la corde). A 25 secondes, je me suis volontairement emmêlé les pieds et j’ai dit : « Je suis champion du monde et tu me bats ? Donc je vais faire un autre défi ». J’ai accroché des pinces à linge sur nos vêtements pour qu’on se les enlève. Je perds volontairement et la petite fille est allée en voir une autre en disant : « On le fait ensemble ? » Elle lui a tout pris. Alors, j’ai dit à une prof : « Je vais me venger sur vous qui m’avez fait venir pour me faire perdre ». Tous les enfants nient : « Allez, madame ! » Je dis : « Je croyais qu’ils ne vous aimaient pas. Donc vous m’avez fait venir pour me ridiculiser ». A la fin, on s’est assis pour parler de ce qu’on avait fait. Avant de partir, j’ai dit : « Je veux que vous arriviez à l’heure à l’école, que vous écoutiez les profs, que vous fassiez ce que vous avez fait : jouer, apprendre ensemble ». C’était une belle opération.

Étrange champion qui a bénéficié de l’exigence de ses entraîneurs et qui, face aux petits, use d’artifices, attendri : « Un enfant, vous pouvez être le président de la République, s’il a un truc méchant à vous dire il vous le dira. Mais quand vous lui racontez une histoire, il écarquille les yeux, il se transforme parce qu’il est dans l’imaginaire, il vous écoute et moi je trouve ça magique ». Comment valoriserait-il un entraînement en lecture quand cette pratique, présentée comme un goût, est dépouillée de ses enjeux ?

« D’abord, il faut leur demander ce qu’ils veulent. Est-ce que tu sais pourquoi tu lis, à quoi ça sert ? Lire ce n’est pas juste lire les mots, c’est interpréter. Il y a une émotion qui doit passer. On est sur une colline, il faut qu’on imagine la colline, qu’on arrive à se projeter, qu’on vive, qu’on rêve la situation. Moi si je chante Aznavour, ça ne transmet rien mais lui il le fait avec une telle émotion qu’on a l’impression qu’il a tout vécu : un transmetteur, c’est comme un aimant ça doit vous coller. Au début, il faut donner un truc court qui vous parle. Si vous l’avez choisi vous arriverez à vous transcender. Après, vous pourrez vous approprier autre chose parce que vous avez réussi le défi de lire une histoire comme si vous l’aviez écrite vous-même, comme si c’était la vôtre. Quand l’enfant débute, il a des hésitations parce qu’il ne saisit pas bien les mots (« au-jour-d’hui-on-va-fai-re-ça ») mais quand ça arrive à être fluide, c’est là que la passion le prend. Quand c’est haché, vous savez que vous ne lisez pas bien, ça vous repousse. Vous vous dites que si vous le faisiez en silence vous le feriez mieux. Vous lisez vous relisez. Quand vous arrivez à lire d’un trait, qu’il y a une continuité, les gens sont accrochés. L’entraînement, on le décide ensemble et on travaille jusqu’à ce que les gestes deviennent automatiques. L’œil et le cerveau reconnaissent le mot. Si vous arrivez à dire tous les mots, c’est que vous avez anticipé, vous savez ce qu’il y a derrière. L’anticipation permet la fluidité. Il faut répéter, répéter. Regarder, lire, regarder, lire, s’approprier l’histoire en mettant de l’émotion. Quand on lit « ce petit oiseau blessé va descendre », ça fait quelque chose, alors la voix descend, s’adapte à la situation et on vous écoute. Il faut s’approprier le texte en le synthétisant, toujours de l’œil au cerveau, suivre un parcours comme un chemin balisé. Si vous avez l’habitude de courir dix kilomètres et que vous courez sur un autre chemin de la même longueur où vous n’avez plus vos repères vous avez l’impression de courir davantage. En lecture, il faut laisser l’œil étudier le parcours, visualiser pour s’approprier le sens.

Quel entraînement en lecture ?

Les sportifs de haut niveau n’imaginent pas rater un entraînement ou le faire à moitié. Ils consacrent des efforts continus à des exercices qui ont peu de choses à voir avec leur passion tout en sachant qu’ils la facilitent. Nous cherchons, dans cet entretien, et dans ceux qui suivront, à savoir si ceux qui font de l’entraînement leur activité quotidienne (les sportifs, les musiciens, les gens de théâtre...) peuvent nous aider à définir les cadres d’un bon entraînement, celui qui ne sépare pas l’exercice de la pratique sociale. En écoutant Jean-Marc Mormeck des axes se dégagent qui peuvent favoriser l’utilisation de la plateforme elsa (perfectionnement en ligne des compétences de lecteurs) :

► c’est un peu court de parler de motivation intrinsèque pour expliquer l’investissement de celui qui s’entraîne. La détermination de Jean-Marc Mormeck prend sans doute sa source dans une histoire d’enfance mais elle s’implante surtout dans un projet personnel et social : être champion. Tout entraînement (en lecture et dans un autre domaine) doit répondre à cette question : qu’est-ce que je veux faire de cette formation ? À quel(s) projet(s) la relier et comment la nourrir de l’expérience personnelle et collective (comme point de repère, comparateur ou aiguillon) ?

► les séances d’entraînement proposent des activités souvent inutilisées dans la pratique (les enfants n’imaginaient pas que Jean-Marc Mormeck, au physique si puissant, puisse sautiller à la corde) mais toutes servent la pratique et c’est cet objectif qui doit rester central : savoir identifier des mots n’a aucun intérêt hors du sens global d’un texte. Celui qui s’entraîne doit toujours pouvoir replacer l’exercice dans l’usage : ici, lire avec agilité, tonicité et résistance pour mieux participer à la culture, toujours en construction, d’une société.

► dans un entraînement en ligne, l’individu est seul mais lors de rencontres, réelles ou virtuelles, avec un tuteur il reconnecte ses performances au groupe de lecteurs qui échangent, à travers leurs lectures, des idées, des émotions, des visions du monde. Toute pratique répond à un idéal social et si les boxeurs fascinent parce qu’ils métaphorisent les tensions d’une société, les lecteurs lisent pour s’affronter à l’os de l’existence (ses ombres et ses lumières, ses aspects glorieux ou crapuleux). Le plaisir que ça offre n’a rien d’un détachement.

► l’entraînement conduit à des performances et à une façon d’être : devenir de plus en plus responsable de son entraînement, de plus en plus créatif, de plus en plus exigeant avec soi-même, de plus en plus attentif à l’autre. Comme le boxeur se bat contre les ombres (shadow boxing), le lecteur s’entraîne à aborder un texte comme un ensemble flou de signes : il travaille les placements et les déplacements de l’œil, imprègne un rythme dans son regard pour que l’acte de lire s’effectue sans y penser et que, dans cette insouciance apprise, survienne la grâce de comprendre quelque chose du mouvement de la vie, la chance d’orienter le mouvement de sa vie.

« L’entraînement ou le ring imaginaire de la vie : Jean-Marc Mormeck, champion du monde de boxe en parle »