Hommage

« Ralite, fragments d’une voix citoyenne »

Collectif AFL

Jack Ralite, ministre et homme de culture bien connu, est décédé le 12 novembre 2017. Il a été longtemps maire d’Aubervilliers où l’AFL a son siège. Cette proximité et, bien d’autres (notamment politiques), avaient fait de lui un partenaire intermittent mais loyal de notre association ; il participait aux Assises des Villes Lecture, prenait la parole à la tribune mais, surtout, s’asseyait à table avec tout un chacun pour partager un verre et un bout de conversation. Nous avons appris avec tristesse sa disparition et souhaitions, même modestement, lui rendre hommage en sélectionnant deux extraits de sa fameuse parole, le premier dans un entretien donné à notre revue, le second à France Culture.

« Je ne sais pas si une culture est excluante. Les chemins qui y mènent sont complexes, multiformes. Quand il s’agit d’art, je ne connais pas de contact rapide d’une œuvre nouvelle avec un large public : ça n’existe pas. Picasso racontait une histoire merveilleuse. Il disait : « J’ai un chien qui s’appelle Kasbek. Quand je le peins, mon voisinage me dit : ça ne ressemble pas à Kasbek. Je leur écris alors le mol CHIEN (C.H. I.E.N.) et je leur demande : est-ce que ça ressemble à un chien ? Mais j’affirme que quand Kasbek est à côté de moi, ma peinture mord ». Je suis pour la rencontre avec la population mais avec toutes les exigences que cette rencontre implique. Populisme et élitisme sont tout aussi regrettables. Paire une chose en disant : « Je veux être compris de tout le monde », nous a donné de tragiques expériences, dans tous les pays. Toute œuvre est dérangeante et difficile d’accès. La révolution scientifique et technologique rend les problèmes humains plus prégnants. Ils cognent plus fort à la vitre. On a besoin d’une quantité et d’une qualité d’hommes sans aucune mesure avec hier : des hommes qui tentent d’avoir leur totale faculté de compréhension, d’imagination, d’invention. C’est ça la culture dans tous les domaines : scientifique, sportif... sans oublier, comme on le fait souvent, le domaine de l’imagination. Il est énervant, ce mot, au bon sens du mot énervant ».
(Extrait de « Jack Ralite, un bâtisseur d’alliances », Les Actes de Lecture n°26, juin 1989)

« Il y en a qui font des citations mais ils ont un dictionnaire de citations. Moi je n’ai pas de dictionnaire ; j’ai mes lectures ou mon ouïe. Quand je vais dans une réunion, je note des phrases, comme ça, et comme elles m’éblouissent, moi, qu’elles me font comprendre ce que je n’avais pas compris je me dis qu’elles sont vraiment bien placées pour convaincre les autres ; donc, je les prends. C’est des lucioles, c’est des cigales comme disait Mandelstam : « Une citation n ’est pas un extrait, une citation est une cigale. Sa nature est de ne pouvoir se taire. Une fois accrochée dans l’air elle ne le lâche pas ». Je trouve ça merveilleux. (...) Gracq disait « Moi je mets en italiques ». Donc, on voit bien, il y a un croisement, une mêlée, j’aime bien ce mot, des œuvres et plus elles sont mêlées et plus elles gardent leur originalité. Plus le singulier est collectif, plus il est singulier qu’aucun autre singulier ne pourra faire le travail qu’il va faire ».
(Extrait de l’émission La Marche de l’histoire, France Inter « Un politique chez les artistes », entretien arec Jean Lebrun, 11 septembre 2015)

« Ralite, fragments d’une voix citoyenne »